Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a annoncé lundi le passage de son pays à la phase industrielle de l'enrichissement d'uranium. Qu'est-ce que cela signifie-t-il concrêtement? L'enrichissement à un niveau industriel suppose la mise en service de dizaines de milliers de centrifugeuses qui fabriquent de l'uranium enrichi en séparant l'uranium 238 de l'uranium 235. Environ 50.000 centrifugeuses qui fabriquent de l'uranium enrichi à 3,5% permettent le démarrage d'une industrie électro-nucléaire civile, ce que revendique publiquement Téhéran. En revanche, fabriquer une bombe atomique nécessite moins de centrifugeuses mais de meilleure qualité. 3.000 centrifugeuses qui fabriquent de l'uranium enrichi à 93% permettent d'obtenir, dans un délai de six à douze mois, une bombe nucléaire. Ce que craint la communauté internationale. De combien de centrifugeuses dispose l'Iran? Et de quelle qualité? C'est la grande question. Si Ahmadinejad se gosse de passer à l'enrichissement industriel, il n'a avancé aucun chiffre. Téhéran avait annoncé il y a un an qu'il installerait, à la fin mars 2007, 3.000 centrifugeuses sur le site de Natanz mais ce délai a été repoussé à mai. Un diplomate au siège de l'Agence internationale à l'énergie atomique (AIEA) parlait fin mars d'un peu moins de 1.000 centrifugeuses installées. Selon François Géré, directeur de l'Institut français d'analyse stratégique (Ifas), il s'agit de machines de qualité moyenne qui ne permettent pas de fabriquer d'uranium suffisamment enrichi pour un usage militaire. Georges Le Guelte, chercheur à l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (Iris), confirme que les experts ne disposent d'«aucune information précise» sur les centrifugeuses: sont-elles mises en place? Sont-elles dans un hangar? Pourquoi la déclaration d'Ahmadinejad intervient-elle maintenant? Alors que la crise des marins britanniques vient de s'achever, Téhéran veut montrer à la communauté internationale, que les Iraniens ne transigeront pas avec l'acquisition d'une énergie nucléaire civile, estime François Géré. Un objectif partagé par l'ensemble de la classe politique iranienne. De plus, une grande conférence internationale sur la stabilité de l'Irak - à laquelle participera l'Iran – va se tenir prochainement. Le but est donc aussi d'envoyer un message de fermeté aux Etats-Unis. Que compte faire l'AIEA? Deux inspecteurs sont arrivés, mardi à Téhéran, pour une visite de routine. Ils auront accès, selon François Géré, aux installations nucléaires «déclarées». Téhéran, malgré ses menaces, ne souhaiterait pas quitter le traité de non prolifération (TNP) qui lui permet de se réclamer d'une certaine légitimité juridique. Ce traité autorise en effet un pays de posséder une industrie nucléaire civile. Et l'ONU? Dans sa dernière résolution, le Conseil de sécurité a donné 60 jours – jusqu'au 23 mai – à Téhéran pour suspendre ses activités d'enrichissement. Faute de quoi, il engagera de «nouvelles mesures appropriées» contre la République islamique. Un embargo sur les achats d'armes à l'Iran, des restrictions volontaires aux ventes d'armements, des restrictions financières et commerciales, ainsi que sur les voyages de certaines personnalités iraniennes liées au programme nucléaire ont d'ores et déjà été imposés.