Les Chinois ont déroulé le tapis rouge devant les dirigeants de 48 pays africains réunis à Pékin, du vendredi 3 au dimanche 5 novembre, pour un sommet qualifié d'"événement historique" par le président chinois Hu Jintao. Partout en ville, des affiches proclament les bienfaits de la "coopération sino-africaine" et ce sommet a été présenté par les autorités comme l'événement diplomatique le plus important jamais organisé en République populaire depuis la révolution de 1949. Cette réunion souligne en tout cas l'importance croissante que revêt le continent africain aux yeux du régime de Pékin : pour la Chine, il est vital de diversifier ses sources d'approvisionnement afin d'assurer la poursuite de sa croissance. Entre la Chine et l'Afrique, c'est une vieille histoire qui remonte au lendemain de la révolution maoïste : durant un demi-siècle, Pékin a multiplié les projets d'aide au développement du continent, finançant et construisant des grands projets d'infrastructure, voies de chemin de fer, routes, envoyant sur place quelque 16 000 médecins et infirmiers, distribuant des bourses pour permettre à de jeunes Africains de poursuivre leurs études dans les universités chinoises. Depuis les années 1960 jusqu'à la fin des années 1980, la relation Chine-Afrique était surtout de nature politique : les Africains percevaient la République populaire comme une nation phare du tiers-monde et le maoïsme servait parfois de référence idéologique en cette période postcoloniale. Pour les Chinois, l'Afrique était le lieu d'une lutte d'influence entre les acteurs de la guerre froide et la stratégie de Pékin était aussi de l'ordre de la géopolitique : il s'agissait, par exemple, de faire pièce aux visées soviétiques dans des pays comme l'Angola et le Congo. La chute du mur de Berlin, la poursuite de l'ouverture économique de la Chine et sa soif grandissante de matières premières et d'énergie ont modifié la donne. Désormais, les perspectives commerciales représentées par le continent noir et son potentiel en ressources énergétiques sont au coeur de la nouvelle stratégie chinoise en Afrique. Au-delà de la nécessité de s'assurer de nouveaux accès aux matières premières, la Chine entend également écouler un nombre toujours plus grand de produits made in China à bon marché sur les marchés africains. Le niveau de l'engagement de la Chine en Afrique est tel qu'il suscite cependant les critiques croissantes de tous ceux estimant que l'empire du Milieu y poursuit des visées "prédatrices" consistant à engranger le maximum de résultats économiques tout en étant peu regardant sur la moralité des régimes avec lesquels il traite au nom de sa "politique de non-intervention". "Notre principe dans nos relations avec les autres pays est de ne jamais chercher à imposer notre système social, notre mode de développement, nos valeurs ni notre idéologie", a déclaré Liu Jianchao, un porte-parole du ministère des affaires étrangères. "La Chine ne pose aucune condition politique à sa coopération", a maintes fois déclaré le président Hu Jintao dans ses tournées africaines. La France, toujours sourcilleuse dès qu'il est question de menaces sur son "pré carré" africain, s'en inquiète, entre autres pays occidentaux. Pierre-Antoine Braud, chercheur à l'Institut d'études de sécurité, affilié à l'Union européenne (UE), met en garde : "La politique chinoise en Afrique pourrait contribuer à maintenir des types de gouvernance politique et économique qui sont au coeur des entraves à la croissance économique du continent africain." La présence à Pékin, durant ce sommet, du président soudanais Omar Hassan Al-Bachir, dont le régime est accusé d'encourager un véritable génocide à l'égard des populations de la région du Darfour, ainsi que celle du dictateur zimbabwéen Robert Mugabe fait déjà grincer bien des dents à l'étranger. Jeudi, Hu Jintao a tout de même exhorté son homologue soudanais "à maintenir le dialogue avec toutes les parties concernées". "Il faut être pragmatique, explique Xu Weizhong, directeur du département des affaires africaines de l'Institut chinois d'études contemporaines internationales. Personne n'a intérêt à provoquer l'effondrement du gouvernement du président Bachir."