Ségolène Royal désignée comme candidate socialiste aux présidentielles de 2007, le Maroc doit tisser des liens avec elle et son entourage le plus proche. Pour ne pas se retrouver, si elle venait à être élue, dans la même situation qu'en 1981, lorsque François Mitterrand entrait à l'Elysée. Cette tâche s'annonce difficile car Ségolène Royal n'entretient pas de relations avec le Maroc. De plus, elle n'a pas toujours été tendre avec le régime. Le 16 novembre dernier, on rêvait à Rabat que Dominique Strauss Kahn (DSK) l'emporte. Mauvaise nouvelle, c'est Ségolène Royal qui a été élue à 60,6 % par les militants socialistes pour représenter leur parti aux présidentielles de 2007. Tout droit sorti des urnes, ce résultat embarrasse le Maroc à plus d'un titre. D'abord, l'équipe de campagne de quinze personnes constituée par S. Royal ne compte aucun des strauss-kahnien qui, du coup, renâclent à travailler pour “Ségo”. Une vraie perte pour le royaume quand on connaît le tropisme marocain de DSK et d'une partie de son entourage. Par exemple, en 2005, ce natif d'Agadir affirmait au journaliste Jean-Pierre Tuquoi dans le livre « Majesté, je dois beaucoup à votre père » : « c'est vrai que l'aide que reçoit le Maroc de la France est disproportionnée comparée aux autres pays. Il y a deux poids deux mesures. Mais c'est bien de favoriser le Maroc ». Autre grand ami socialiste du royaume à ne pas faire partie du tout premier cercle de Royal, Hubert Védrine. Cet été, l'ancien ministre des Affaires étrangères a longuement briefé “Ségolène” sur le Proche-Orient. En guise de remerciements, celle-ci n'a même pas jugé utile de le prévenir qu'elle se rendait dans la région début décembre. Elle s'y est de surcroît distinguée par des déclarations fracassantes, notamment sur le nucléaire iranien. De plus, cela fait au moins deux mois qu'Hubert Védrine demande un rendez-vous à Ségolène Royal qui ne le lui a toujours pas accordé. Là encore, c'est dommage pour le Maroc tant Védrine a donné des coups de main diplomatiques par le passé. A la fin des années 90, lorsqu'il était ministre des Affaires étrangères, le Quai d'Orsay avait sévèrement tancé un groupe de 14 élus français de gauche, dont l'ancien secrétaire d'Etat Jean Le Garrec. Ces derniers avaient osé signer une pétition soutenant les interventions du maire communiste de Gonfreville l'Orcher (Seine-Maritime) sur le Sahara occidental devant la 4ème commission de décolonisation de l'Assemblée générale des Nations Unies. Des interventions défavorables au Maroc… Contre la venue de Hassan II en France Décrite comme ambitieuse, autoritaire et colérique par ses détracteurs, Ségolène Royal a montré à plusieurs reprises qu'elle ne se laissait pas dicter sa conduite, surtout par son propre camp, et n'était guère sensible aux sirènes d'un certain lobbying. C'est ce qu'à constaté à ses dépens le peintre et ancienne gloire du lobbying marocain en France, Mehdi Qotbi. Alors qu'il a contribué à initier Nicolas Sarkozy au Maroc, Ségolène Royal a poliment décliné par écrit son invitation à se rendre au royaume. « Mehdi Qotbi n'aurait pas dû l'inviter. C'était aux socialistes marocains de le faire », persiflent, énervés, certains Marocains pendant que d'autres s'activent à établir des ponts avec les proches de la candidate socialiste. En matière de relations internationales, les deux hommes qui conseillent à ce jour Royal sont Jean-Louis Biancoson co-directeur de campagne *, et son conseiller spécial, Jack Lang, ancien ministre de la Culture, chargé des « contacts internationaux ». Membre de la commission étrangère de l'Assemblée nationale qu'il a présidée de 1997 à 2000, grand mondain et (donc) client assidu de La Mamounia à Marrakech, Lang a pourtant annulé l'année du Maroc en France en 1990. En cause ? La parution du livre « Notre ami le roi et ses révélations sur les graves abus des droits de l'Homme commis par le régime de Hassan II. Six ans plus tard -nous sommes en mai 1996- Ségolène Royal n'a pas oublié ces dérives hassaniennes. Elle est députée des Deux-Sèvres et le monarque entame une importante visite d'Etat en France où il sera reçu officiellement à l'Assemblée nationale. Après avoir menacé de boycotter, avec une poignée d'élus socialistes et le groupe communiste, la cérémonie d'accueil au Palais-Bourbon, elle donne de la voix lors d'une conférence de presse, aux côtés d'Abraham Serfaty. Celle-ci était organisée par le Collectif pour les droits de l'Homme au Maroc qui regroupait une cinquantaine d'associations et d'organisations syndicales. Elle y fustige « le ramollissement de la ferveur démocratique de la classe politique française » et, qualifiant l'Assemblée nationale de « lieu symbolique de la souveraineté populaire », estime que l'accueil de Hassan II constitue « un énorme problème ». Abraham Serfaty déclare, lui, qu'« on aurait accueilli avec joie Hassan II à l'Assemblée nationale française s'il était le Juan Carlos marocain “avant de dénoncer” le règne de l'arbitraire “au Maroc et un” véritable système moyenâgeux ». Il estime aussi que « le passage à une monarchie constitutionnelle au Maroc “était” l'axe fondamental » des réformes auxquelles le royaume devait s'attaquer. Pour une refonte « de fond en comble » de l'aide au développement En matière de gouvernance, on peut légitimement penser que le style « Ségolène » ne fait guère d'émules au Palais royal. La candidate socialiste prône en effet la démocratie participative qu'elle définit comme « la possibilité effective pour les citoyens d'orienter directement les choix, y compris financiers, et l'action publique. Quelles qu'en soient les formes (…) cela suppose de reconnaître aux citoyens leur capacité d'expertise légitime : non seulement un savoir d'usage mais le pouvoir d'influer réellement sur les décisions qui les concernent ». Elle dénonce aussi certains travers des politiques français qui pourraient tout aussi bien s'adresser au sérail politique marocain : « comme ministre, j'ai été souvent effarée de constater combien de mesures et de procédures, parfois animées des meilleures intentions mais concoctées dans des cercles étroits, aboutissaient à tout autre chose que ce pour quoi elles avaient été conçues, faute d'y avoir associé les premiers concernés (les citoyens) ». Imaginons un seul instant que ce discours réveille la gauche marocaine en vue des législatives de l'année prochaine… Bien que Ségolène Royal n'ait jamais parlé du royaume chérifien dans ses discours, ses propos relatifs à l'aide au développement distribuée par la France amène à se poser des questions sur le sort des budgets faramineux débloqués pour le Maroc si elle était élue. En août 2006, elle a ainsi appelé à plus de « transparence » et à une refonte « de fond en comble » de la politique française en la matière qui, dit-elle, a été « confisquée par quelques experts ». Plus tard dans la campagne présidentielle, la candidate socialiste s'alignera-t-elle sur les positions des pays scandinaves ? Ceux-ci estiment que l'aide au développement doit s'accompagner de solides avancées démocratiques dans les pays bénéficiaires. Comme pour beaucoup d'autres questions, on attend des réponses à Rabat…