Les combats à l'arme lourde entre miliciens islamistes somaliens et groupes de l'opposition armée se sont poursuivis pour la septième journée consécutive à Mogadiscio où le bilan approche les 140 morts. Impuissants à faire taire les mortiers, mitrailleuses et lance-roquettes, le gouvernement intérimaire de Somalie, qui n'a pas pu prendre ses quartiers dans la capitale, a réclamé une intervention étrangère pour mettre fin à ce qui apparaît désormais comme le pire déchaînement de violences de ces dernières années. Dans la nuit de vendredi à samedi, cinq civils au moins ont été tués dans les combats de rue et les duels d'artillerie qui opposent une coalition de chefs de guerre qui s'est baptisée "Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme" (ARPCT) et des miliciens soutenus par les tribunaux islamiques de la ville. "Les deux parties continuent de s'affronter à coup d'obus de mortier. Les combats se sont poursuivis toute la nuit", a dit à Reuters le chef de la milice islamique, Siyad Mohamed, joint par téléphone. Certains analystes voient dans ces combats une forme d'affrontement à distance entre Al Qaïda et Washington, qui finance très probablement les chefs de guerre impliqués. Rien ne laisse entrevoir une accalmie. Au contraire, un chef de guerre, Mohamed Dheere, aurait quitté son fief de Jowhar et serait en route vers Mogadiscio pour se joindre à la bataille. "La coalition se prépare à ouvrir de nouveaux fronts contre la milice islamiste", a déclaré un autre chef de guerre de l'alliance, Ali Nur. Samedi, l'essentiel des combats portait sur le quartier de Karan, dans le nord de la capitale, après s'être propagé depuis les bidonvilles de Siisii et Yaqshid. "L'angoisse est très élevée. Il semble que le pire soit encore à venir parce que le risque que la ville tout entière s'embrase est très fort", témoigne Abdifatah Abdikadir, un habitant de Mogadiscio. A ce stade des combats, la plupart des décès ont été recensés parmi la population civile. Il en va de même pour les centaines de blessés. Et les habitants continuent de fuire les zones de combat, emportant avec eux le strict nécessaire. WASHINGTON CONTRE AL QAÏDA ? De son siège provisoire de Baidoa, dans le sud du pays, le gouvernement intérimaire a réclamé une aide humanitaire pour ces victimes. "Nous appelons et invitons la communauté internationale à intervenir et à s'impliquer dans cette situation critique à Mogadiscio en coopérant pleinement avec le gouvernement fédéral somalien de transition pour revenir au secours des populations innocentes qui souffrent", a déclaré le ministre de l'Information, Mohamed Abdi Hayir. Le président par intérim, Abdullahi Yusuf, et les chefs des institutions islamiques ont accusé les Etats-Unis de financer l'alliance des chefs de guerre. Dans un entretien accordé à Reuters, la diplomate américaine Jendayi Frazer, plus haute responsable des questions africaines au département d'Etat, a dit vendredi qu'elle ignorait si ces groupes armés bénéficiaient du soutien de Washington. "Mais notre politique est très claire", a-t-elle ajouté. "Nous travaillerons avec les éléments qui nous aideront à éradiquer Al Qaïda et à éviter que la Somalie ne devienne un refuge pour les terroristes. Et nous le faisons dans l'intérêt de la défense des Etats-Unis." Cette thèse sur les liens entre les miliciens des tribunaux islamiques de Mogadiscio et la mouvance islamiste armé autour d'Oussama ben Laden est alimentée par Omar Finnish, un des chefs de l'Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme, qui affirme que ces miliciens se servent de l'anarchie actuelle en Somalie pour donner refuge à des terroristes. Dans un rapport diffusé mercredi dernier au siège new-yorkais des Nations unies, les experts du Groupe de contrôle de l'Onu sur la Somalie relèvent une montée en puissance des "fondamentalistes islamiques militants" et indiquent que les trois principaux antagonistes (gouvernement fédéral de transition, groupes de l'opposition à Mogadiscio et milices islamistes) s'approvisionnent auprès d'"un cercle de plus en plus large d'États qui fournissent clandestinement un appui à l'antagoniste de leur choix". Cette nouvelle bataille de Mogadiscio a éclaté le 7 mai, elle est marquée par les affrontements les plus violents observés dans la région depuis plus de dix ans. La Somalie n'a plus de gouvernement central depuis 1991.