Des partisans de l'ancien chef rebelle Jean-Pierre Bemba, candidat à l'élection présidentielle congolaise, ont attaqué mardi le bâtiment de la Cour suprême à Kinshasa où un incendie a été allumé. Ce qui était au départ une manifestation pro-Bemba a dégénéré lorsque des inconnus ont ouvert le feu devant la Cour suprême, provoquant la fuite précipitée des juges en toges noires et du personnel qui s'y trouvait. Lorsque les tirs ont éclaté, les blindés de la Mission des Nations unies au Congo (Monuc) se sont retirés de leurs positions. Mais ils sont ensuite revenus et ont tiré des coups de semonce pour maintenir en respect des partisans de Bemba qui leur jetaient des pierres et ont mis le feu à des véhicules de la police. Des avocats ont rapporté que l'émeute avait interrompu une audience au cours de laquelle était examiné un recours déposé samedi par Bemba pour contester le résultat provisoire de la présidentielle, qui donne Joseph Kabila, le président sortant, vainqueur par 58% des voix. Bemba estime que le second tour de l'élection, le 29 octobre, a été entaché de fraudes systématiques. "Au milieu de l'audience, il y avait des tirs partout. Nous ne savons pas où nous pourrons poursuivre notre travail, qui a été interrompu", a dit, sous le sceau de l'anonymat, l'un des avocats de Bemba qui se trouvait à l'intérieur de la Cour suprême. "Tout s'est passé pendant l'audience", a raconté à Reuters le ministre de l'Intérieur, Denis Kalumé. "Des hommes en armes et en civil ont tiré sur la police, qui a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser la foule. La police est intervenue. Les tirs se sont arrêtés et la situation s'est apaisée". POLICIERS EN FUITE Le ministre a ajouté: "Nous prendrons toutes les mesures propres à rétablir l'ordre". La Cour suprême a huit jours pour se prononcer à compter du dépôt du recours. Une fois l'ordre rétabli par la Monuc et par la force de maintien de la paix de l'Union européenne, un journaliste de Reuters a pu voir une quantité importante de documents qui brûlaient à l'intérieur de la Cour suprême mise à sac. Les pompiers s'employaient à combattre un incendie dégageant une fumée épaisse dans une aile du bâtiment. "Nous devrons voir quels documents ont brûlé. S'ils provenaient de la commission électorale, cela veut dire que la Cour ne pourra pas prendre de décision", a dit à Reuters Delly Sesanga, conseiller juridique de Bemba. Il a imputé les tirs à la police congolaise, mais selon la Monuc, les tirs sont le fait d'"éléments incontrôlés" parmi les manifestants. "La Monuc déplore cette nouvelle flambée de violence et de vandalisme injustifiés et invite chacun à rester calme", a déclaré Jean-Tobie Okala, porte-parole adjoint de la mission. Il s'agit des premières violences graves à Kinshasa depuis l'annonce, mercredi dernier, des résultats provisoires du scrutin par la Commission électorale indépendante. "On ignore s'il s'agit d'une tentative organisée de déstabilisation de la Cour ou de violence spontanée, mais il y a à l'évidence un problème en ce sens que la protection de la Cour a échoué", a déclaré à Reuters un observateur électoral qui se trouvait à l'intérieur du bâtiment. Réclamant l'anonymat, il a rapporté que des policiers congolais en service à la Cour avaient abandonné leurs uniformes et avaient fui.