Au terme d'une campagne primaire inédite en France, Ségolène Royal a été propulsée jeudi candidate du Parti socialiste pour la présidentielle de 2007. Selon les résultats officiels auxquels ne manquent que les scores des fédérations de Guyane, Martinique et Guadeloupe, la présidente de Poitou-Charentes obtient 60,62% des voix des militants socialistes, a annoncé Stéphane Le Foll, directeur de cabinet du premier secrétaire du PS, peu avant 2h du matin. La bataille pour la deuxième place a duré une partie de la soirée entre partisans de Dominique Strauss-Kahn et de Laurent Fabius. DSK, qui se présentait comme le candidat de la "social-démocratie", termine finalement second, avec 20,83% des suffrages. Il n'avait jamais compté ses troupes au sein du Parti socialiste. Laurent Fabius, héraut d'une "gauche décomplexée", recueille 18,54% des voix des 178.000 militants - sur un total de 219.000 - qui se sont exprimés entre 16h et 22h dans 102 fédérations PS. Pour l'ancien Premier ministre, la défaite est cruelle. Alors qu'il comptait sur le soutien d'une partie du Nouveau parti socialiste (NPS) d'Henri Emmanuelli et Benoît Hamon, son score est finalement en deçà du résultat qu'il avait obtenu lors du congrès du Mans, en novembre dernier (21,17%). "NOUS ALLONS TOUS ENSEMBLE GRAVIR CETTE MONTAGNE" De son fief picto-charentais, Ségolène Royal a appelé ses compétiteurs au rassemblement après six semaines de campagne intense et ponctuée d'attaques de plus en plus directes dans la dernière ligne droite. "Nous allons tous ensemble gravir cette montagne jusqu'en mai 2007", a assuré la député des Deux-Sèvres, qui a obtenu 81,35% des voix dans son département. La compagne de François Hollande réalise son deuxième meilleur score (81,01%) en Corrèze, dont le premier secrétaire du PS est député. "Je veux simplement vous dire le bonheur que je ressens. Je suis très heureuse, je ressens l'honneur qui m'est fait. C'est le peuple qui s'est mis en mouvement, ce sont les militants qui se sont mis en mouvement et je veux leur dire, ils ne seront pas déçus", a ajouté la toute nouvelle candidate présidentielle, qui sera officiellement investie lors d'un congrès à Paris le 26 novembre. Elle doit tenir une conférence de presse vendredi à la mi-journée dans la salle des fêtes de la petite ville de Melle. Elle a d'ores et déjà annoncé que le siège du PS rue de Solférino serait son QG de campagne. En 2002, Lionel Jospin avait opté pour un autre choix. Dominique Strauss-Kahn doit s'exprimer vendredi à 15h, a-t-on appris auprès de son équipe de campagne, qui n'a pas précisé le lieu. Malgré la défaite, son bras droit, Jean-Christophe Cambadélis, s'est félicité du score du député du Val d'Oise. "Il nous a manqué un peu de temps pour pouvoir finir de l'emporter", a-t-il déploré devant les caméras. "On a fait un sacré bond. Les pointeurs de Solférino ici nous mettaient à 15%, nous en sommes à 25%. Nous avons pris dix points en l'espace de cinq jours", avait souligné le député parisien en milieu de soirée. Laurent Fabius, revenu jeudi soir de Seine-Maritime vers Paris, reste "invisible" pour l'instant et n'a pas décidé quand il s'exprimerait, a expliqué un de ses proches. "NOUS ALLONS NOUS DONNER LA MAIN" Les premiers commentaires fabiusiens, amers, sont venus de son directeur de campagne, Claude Bartolone. "Je pourrais épiloguer sur les sondages qui ont certainement joué un rôle (...) ou sur les adhérents les plus récents", arrivés au PS au printemps à la faveur d'une campagne d'adhésion sur internet, a déclaré le député de Seine-Saint-Denis. "La seule question, c'est comment on se rassemble pour battre la droite en 2007", a-t-il cependant insisté. "Nous allons nous donner la main", lui a indirectement assuré Arnaud Montebourg à son arrivée rue de Solférino au milieu de la nuit. Pour le porte-parole de Ségolène Royal, "les militants ont voulu tourner la page d'une certaine forme de passé du Parti socialiste, de certaines querelles". Après avoir rassemblé les socialistes, la candidate Royal va "rassembler toutes les gauches et là, le travail ne fait que commencer", a ajouté le député de Saône-et-Loire. Plusieurs centaines de journalistes avaient été accrédités pour suivre de l'intérieur la soirée électorale, rythmée par les apparitions des partisans de Ségolène Royal, tout sourire dès 23h. Patrick Mennucci, une des chevilles ouvrières de la campagne ségoléniste, oreillette de téléphone portable à l'oreille, distribuait les scores dans la cour pendant que Jean-Louis Bianco répondait aux questions de journalistes venus des Etats-Unis ou d'Asie. Vers 23h30, deux jeunes filaient à vive allure sur un scooter, rue de Solférino aux cris de "Ségolène présidente".