En dépit des appels à la raison lancés par des responsables politiques, syndicaux et religieux, les électeurs du Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, situé dans le nord-est de l'Allemagne, ont envoyé au Parlement régional six représentants du principal parti néonazi du pays. Lors des élections régionales du dimanche 17 septembre, le Parti national démocrate (NPD) a obtenu 7,3 % des suffrages. Cette formation, qui avait failli être interdite il y a trois ans, a profité de l'incrédulité croissante des jeunes à l'égard de la classe politique traditionnelle. Le chômage, qui frappe 18 % de la population active du Land, et l'absence de perspectives à court terme ont fait le jeu d'un parti qui, s'il n'a pas de poids au niveau fédéral, confirme sa capacité à percer au niveau local dans l'ex-Allemagne de l'Est. Les élections régionales donnent régulièrement lieu en Allemagne à des poussées d'extrême droite, représentée ces dernières années par plusieurs partis, les Républicains, l'Union populaire allemande (DVU) et les néo-nazis du NPD. La DVU, aujourd'hui présente dans les Parlements régionaux de Brandebourg, à l'est, et de Brême, à l'ouest, avait réalisé 12,9 % en Saxe-Anhalt en 1998. Le NPD est aujourd'hui représenté au Parlement du Land de Saxe, où il a obtenu 9,2 % en 2004. La consternation était palpable dimanche soir à Schwerin, la capitale régionale du Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, l'un des plus petits Länder allemands avec 1,7 million d'habitants. Réunis devant le siège du Parlement régional, au château de Schwerin, des citoyens d'horizons divers ont déploré la percée du NPD, qui a gagné 6,5 points par rapport aux précédentes élections régionales. "C'est effrayant. Cela me rappelle le passé", commentait Sabine Wegener, une artiste-photographe de 63 ans. UNE JEUNESSE ABANDONNÉE "Ce coup dur va nous unir", a promis la présidente du Parlement sortant, la social-démocrate Silvia Brettschneider. Son parti est le principal perdant du scrutin, même s'il a obtenu le meilleur résultat. Avec 30,2 % des voix, il a cédé dix points par rapport à 2002. Dans cette région, le SPD gouvernait depuis huit ans avec le Parti de gauche, héritier de l'ancien parti communiste est-allemand, qui est resté stable à 16,8 % des voix. En partie à cause de la percée du NPD, il n'est pas exclu que le SPD fasse désormais alliance avec l'Union chrétienne-démocrate (CDU) au sein d'une "grande coalition" qui reproduirait celle que dirige, au niveau fédéral, Angela Merkel. Elue dans ce Land, la chancelière allemande n'a pas réussi à doper la CDU régionale, qui a obtenu 28,8 % des voix, perdant 2,6 points. "Les partis démocratiques portent une grande part de responsabilité dans la montée du NPD", a expliqué Peter Deutschland, le président pour le nord de l'Allemagne de la Confédération des syndicats (DGB). "Il ne suffit pas, avant chaque élection, d'annoncer des programmes d'investissements, a-t-il poursuivi. Il faut être beaucoup plus présent dans l'action quotidienne auprès des jeunes." Dans cette région de lacs et de forêts, bordée par la mer Baltique, le tourisme ne suffit pas à faire vivre tout le monde. Frappées par l'exode des plus qualifiés vers l'ouest de l'Allemagne et le vieillissement de la population, les municipalités ne savent que faire des jeunes désoeuvrés. Les paroisses, désertées, ne remplissent pas le rôle social qui pourrait être le leur. Dans ce contexte, "les gens, déçus, se tournent vers le NPD", constate M. Deutschland. Ce parti composé de nostalgiques du national-socialisme a su adapter son discours. Dans cette région où moins de 1 % de la population est d'origine étrangère, la haine raciale a été remisée au second plan, à la faveur d'une critique du capitalisme et de ses effets, notaient récemment Hubertus Buchstein et Benjamin Fischer, politologues à l'université de Greifswald. Chômage, hausse des prix de l'électricité, affaires de corruption : les affiches visibles dans les villes et les villages parlent aux perdants de la réunification. La tête de liste du NPD, Udo Pastörs, un bijoutier venu de l'Ouest, a pu compter sur une aide matérielle et en hommes en provenance de ses amis de Saxe. La relativement faible participation au scrutin (60 %) a également joué en sa faveur.