L'Union européenne a pris ses responsabilités en s'engageant à fournir au moins la moitié des effectifs de la force de maintien de la paix chargée de faire respecter la trêve fragile qui règne au Liban. Les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Cinq se sont retrouvés à Bruxelles en présence du secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, qui a applaudi leurs efforts pour renforcer la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), dont les effectifs seront au maximum de 15.000 hommes. "L'Europe a assumé ses responsabilités en fournissant la colonne vertébrale de la force", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse conjointe avec les Européens. "Nous pouvons maintenant commencer à assembler une force crédible". L'annonce, par l'Italie, que Rome était prêt à envoyer jusqu'à 3.000 hommes au Sud du Liban, a été suivie par Jacques Chirac, qui a proposé jeudi d'engager 1.600 hommes de plus au Liban, portant à 2. 000 le nombre de soldats français. Rome et Paris ont incité d'autres pays comme la Pologne et l'Espagne à annoncer chacune l'envoi d'un bataillon, la Belgique a promis un contingent allant jusqu'à 400 hommes et la Finlande 250 soldats, des engagements à confirmer par leurs parlements, d'où leur prudence lorsqu'il s'agit de confirmer les chiffres. D'autres se contenteront d'un soutien logistique. C'est le cas de la Grande-Bretagne qui, en raison de son implication dans la guerre en Irak, ne veut pas déployer d'hommes au Liban, ou de l'Allemagne, qui, pour des raisons historiques, ne veut pas non plus y envoyer des troupes. DÉJÀ 7.000 HOMMES Frank Walter Steinmeier, le ministre allemand des Affaires étrangères, a promis que la marine de son pays surveillerait les côtes libanaises pour empêcher la livraison d'armes par la mer, ce qui permettra de lever le blocus imposé par Israël. Selon le ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, on en est maintenant à environ 7.000 hommes, un chiffre confirmé par le président en exercice de l'Union européenne, le chef de la diplomatie finlandaise Erkki Tuomioja. Il convient d'ajouter à ce nombre les 2.000 hommes déjà présents sur le terrain dans le cadre de l'ancienne Finul. La décision de la France a été prise après qu'elle eut obtenu des précisions et des garanties sur la mission, sa chaîne de commandement et des règles d'engagement "robustes". La Finul pourra riposter en cas de tir du Hezbollah contre Israël ou d'incursion israélienne dans le Sud du Liban. Mais il n'est pas question de désarmer les miliciens islamistes du Hezbollah dans le cadre de cette mission: "Aucune unité européenne (...) n'aura cette responsabilité", a souligné le chef de la diplomatie luxembourgeoise, Jean Asselborn. "Ce sera aux Libanais de désarmer", a précisé le secrétaire général de l'Onu selon lequel aucun soldat de la Finul ne patrouillera non plus le long de la frontière avec la Syrie, qui voit d'un très mauvais oeil le déploiement de cette force. La Finul sera commandée au Liban jusqu'en février 2007 par l'actuel commandant des casques bleus au Liban, le général français Alain Pellegrini, dont le mandat expire à cette date. "L'Italie fournira le prochain commandement (sur le terrain)", a expliqué Kofi Annan, selon lequel un général italien commandera dès à présent la Finul depuis le bureau de New-York du Département des opérations de maintien de la paix. LA TURQUIE À LA RESCOUSSE La chaîne de commandement est donc très courte, comme le voulait la France: deux généraux prendront les décisions, ce qui constitue une première dans le cadre des opérations de l'Onu. "Mais les Européens ne doivent pas être seuls", a souligné Douste-Blazy en appelant les membres permanents du Conseil de sécurité de l'Onu et les pays musulmans à contribuer à la force. Le secrétaire général de l'Onu a répondu sans tarder à ces préoccupations: il a dit être déjà en contact avec la Malaisie, le Bangladesh, l'Indonésie et la Turquie pour compléter son cadre, même si Israël a fait connaître ses réticences. Annan a balayé d'un revers de la main les doutes nés des déclarations de Jacques Chirac, qui a jugé vendredi "tout à fait excessif" le chiffre de 15.000 hommes "dans un territoire qui est grand comme la moitié d'un département français". Il a tout d'abord rappelé qu'il s'agissait du chiffre maximal prévu par la résolution 1701, qui a mis fin aux affrontements entre le Hezbollah et l'armée israélienne après un mois de combats et 1.300 victimes, surtout civiles. Mais, surtout, il a refusé d'entrer dans un débat sur le nombre d'hommes: il en faudra suffisamment pour "faire le boulot": "pas plus, pas moins", a-t-il expliqué. Dans un premier temps - il a espéré que ce soit une question de jours et non de semaines -, de trois à 5.000 hommes devraient être déployés et l'avenir dictera la suite. Pour Tuomioja, le déploiement devra être achevé dans les trois mois. Les ministres européens n'ont toutefois guère eu le temps d'évaluer l'impact de ce déploiement sur les relations avec la Syrie et avec l'Iran, qui a des relations privilégiées avec le Hezbollah au Liban et qui joue une partie serrée avec les Occidentaux sur le dossier nucléaire. Ce sera le sujet principal de leur réunion informelle en Finlande, à la fin de la semaine prochaine, qui verra aussi les donateurs se réunir le 31 août à Stockholm pour évoquer la reconstruction des infrastructures libanaises. "Nous ne pouvons laisser le monopole de l'aide aux groupes radicaux", a insisté le chef de la diplomatie française.