Maghreb United aime-t-on à clamer dans les chansons ou sur les réseaux sociaux. Si politiquement c'est tout le contraire, la crise sanitaire due au nouveau coronavirus a montré des trajectoires assez similaires, malgré quelques différences. Le Maghreb a été relativement épargné par la pandémie du nouveau coronavirus, comparativement à l'Europe et notamment les trois pays proches géographiquement : Espagne, France et Italie. Trois pays qui accueillent d'ailleurs la grande majorité des diasporas algérienne, marocaine ou tunisienne. Ces trois pays du Maghreb ont pris très tôt des mesures de précaution avec les fermetures des frontières, le confinement général, la distanciation sociale ou le port des masques de protection. Ces mesures pro-actives dictées par la fragilité du système hospitalier de chacun des pays, ont permis jusqu'ici d'éviter le tsunami épidémique constaté en France mais aussi en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, ou aux Etats-Unis. La situation épidémiologique globalement rassurante au Maghreb cache néanmoins des trajectoires qui divergent sensiblement, après avoir été similaires pendant longtemps. L'Algérie : les montagnes russes Avec plus de 5 700 cas confirmés et plus de 500 décès, l'Algérie figure comme le pays avec la situation la plus inquiétante au Maghreb. En effet, le nombre de cas confirmés quotidiennement continue à accélérer et n'a toujours pas atteint de pic. La baisse des cas quotidien au mois d'avril semble s'expliquer par un faible nombre de tests. Avec environ 6 500 tests effectués, seuls les cas avec symptômes avancés semblent comptabilisés. Les règles du confinement ont été très aléatoires. Les hésitations du gouvernement ont contribué à maintenir une bonne partie de la population dans une position de défiance, dans le sillage du Hirak. Après un plateau des cas actifs en avril mais une reprise inquiétante à la fin du mois et qui continue en ce debut mai. Point rassurant : malgré cette reprise, les décès ont ralenti. Le ministre de la Santé algérien, Abderahmane Benbouzid, a récemment expliqué que cette baisse des décès est à attribuer à l'utilisation du protocole thérapeutique à base de chloroquine. Le Maroc à la croisée des chemins Le Maroc vient de dépasser le seuil des 6 000 cas positifs à la covid-19. Apres un pic vers mi-avril, un fléchissement fin avril, la reprise des cas quotidiens début mai inquiète les autorités sanitaires. Si une partie de la population pointe le non respect des règles de distanciation sociale et des règles sanitaires lors de regroupement collectif (usines, casernes, prisons, rues commercantes...), il faut souligner que la majorité des nouveaux cas sont attribués aux cas contacts. En effet, depuis quelques semaines, les cas contacts asymptomatiques sont également testés et sont donc comptabilisés. Les guérisons oscillent autour du nombre de nouveaux cas covid+, ce qui permet de stabiliser la courbe des cas actifs. Celle-ci pourrait néanmoins laisser le plateau pour reprendre le trend croissant, au vu du relâchement du confinement et des foyers de contamination qui apparaissent régulièrement. Point positif : la courbe des décès tend vers 0 après le pic de la première quizaine d'avril. Ce résultat encourageant peut s'expliquer par une meilleure connaissance de la maladie, le recours à la bithérapie hydroxychloroquine et azytromicine, mais aussi aux tests précoces et systématiques sur les cas contacts. La Tunisie, l'espoir est permis Avec un peu plus de 1 000 cas testés positifs et 45 décès, la Tunisie est la moins touchée des trois pays par la pandémie. Après un pic fin mars, une décrue suivie d'un deuxième petit pic mi-avril, le pays du jasmin confirme une sortie de la crise sanitaire avec quelques cas quotidiens épars. La courbe des cas actifs décrit bien cette tendance rassurante, avec un pic mi-avril et une baisse qui s'est accélérée début mai pour tendre vers 0. Plus que le taux de létalité qui est proche de celui du Maroc, c'est le taux de guérisons important couplé au faible nombre de nouveaux cas qui ont permis de relâcher la tension sur le système hospitalier. Comme pour ses voisins maghrébins, la Tunisie a eu recours à un traitement à base de chloroquine. Pour autant, ces résultats encourageants n'ont pas conduit à un déconfinement anticipé sur la date prévue le 24 mai. Le 8 mai, le ministre tunisien de la Santé, Abdellatif Mekki, a appelé ses compatriotes à ne pas relâcher les mesures de précaution et de distanciation sociale qui ont permis de freiner la propagation de la Covid-19. «Un retour à un confinement sanitaire total sera inévitable, si 10 infections simultanées sont enregistrées», a-t-il prévenu. Déconfinement, tests et rapatriements Une prudence que devrait probablement suivre le ministre de la Santé du Maroc, qui a martelé qu'un déconfinement ne serait possible que si le taux de propagation du virus (R0) reste en dessous de 1 durant plus de deux semaines. Un déconfinement général en date du 20 mai, tel qu'espéré par beaucoup de Marocains, semble dès lors peu envisageable. Probablement assisterons-nous a un déconfinement par région, comme proposé par Mohamed Lyoubi, chef de la direction de l'épidémiologie et de la lutte contre les maladies infectieuses au ministère de la Santé. Le même débat est en cours en Algérie pour un déconfinement progressif par wilaya, en fonction notamment du taux de mortalité et du nombre de nouvelles infections constatées. Mais quelles que soient les dates de déconfinement progressif ou national, les trois pays devront renforcer le contrôle des mesures sanitaires, pour éviter une reprise épidémique massive. L'élément crucial restera la généralisation des tests. L'Algérie paye aujourd'hui le faible nombre de tests en avril (moyenne de 148 tests par million d'habitants). Le Maroc, après un début lent, est en train de rattraper son retard (moyenne de 1786/1M) sur la Tunisie, qui a toujours pratiqué des tests en nombre (moyenne de 2479/1M). Probablement un des principaux ingrédients de la maîtrise épidémique au pays du jasmin. Si le talon d'Achille de l'Algérie porte sur les tests, celui du Maroc réside dans le refus de rapatrier ses citoyens bloqués à l'étranger. L'Algérie et la Tunisie ayant opéré des vols spéciaux pour leurs ressortissants. Finalement, il ne manque pas grand chose pour parler d'un Maghreb United, à l'image de la situation épidémiologique rassurante pour les trois pays maghrébins. Article modifié le 2020/05/12 à 05h21 Bilan Coronavirus dans le monde 259 465 151 Contaminations 5 174 661 Décès 235 366 205 Guérisons 53.8% de la population mondiale vaccinée