Depuis 7 ans, Nicolas Sarkozy dirige la politique migratoire de la France. Il avait défrayé la chronique à ses débuts, en lançant l' «immigration choisie», scandaleusement inspirée des modèles migratoires américains et canadiens. Aujourd'hui, à la veille de l'élection présidentielle, le terme a été lessivé par un long quinquennat. A l'heure du bilan, que reste-t-il de l'immigration choisie ? Jeudi 27 janvier, François Hollande, candidat PS à l'élection présidentielle, répondait à la question «êtes-vous pour l'immigration choisie ?» par «je préférerais l'expression immigration intelligente à immigration choisie», à l'occasion d'un débat télévisé, sur France 2, face à Alain Juppé, ministre UMP des Affaires étrangères. La question et sa réponse rappellent qu'il fut un temps où Nicolas Sarkozy avait utilisé les mots d' «immigration choisie». «Il ne s'agit pas d'accueillir les seules élites de ces pays. Il ne s'agit pas non plus de mettre un terme à l'immigration en provenance d'Afrique, mais de déterminer des objectifs quantifiés, définis chaque année par le Parlement et le gouvernement. La France doit pouvoir faire le choix des immigrés qu'elle accueille en fonction de ses besoins et de ses possibilités, même si cela se construit dans le cadre d'un dialogue avec les pays d'émigration», expliquait-il en avril 2006, alors qu'il est encore ministre de l'Intérieur dans le gouvernement de Dominique de Villepin. 7 ans après avoir utilisé, pour la première fois de façon officielle, cette formule, à l'heure du bilan, Nicolas Sarkozy a-t-il réellement pratiqué cette politique d'immigration choisie ? Il est, en 2006, à l'initiative de la loi du 24 juillet qui crée la «carte compétences et talents». Cette loi, décriée par la gauche qui l'accuse de spolier les pays en développement de leurs cerveaux, marque une rupture dans la politique migratoire française. «Depuis 1974, en France, la politique migratoire avait toujours été à la fermeture, Nicolas Sarkozy, en 2006, entrouvre la porte», explique Catherine De Wenden, directrice de recherche au CNRS, professeure à Sciences Po Paris en migrations internationales. Pour Christophe Bertossi, directeur du Centre Migrations et Citoyennetés à l'Institut Français des Relations Internationales (IFRI), «avec l'invention de l' «immigration choisie», Nicolas Sarkozy met fin au mythe de l'immigration zéro.» Peu après son élection, «début 2007, Nicolas Sarkozy parle encore d'immigration choisie et de mettre en place des statistiques ethniques», souligne Catherine de Wenden. Des «talents» à la «main d'oeuvre» Cependant, Catherine De Wenden voit dès le début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, un premier recul par rapport à cette position d'ouverture. «Fin 2007, la fermeture de la France à l'immigration s'est faite sur la base des compétences des immigrés», explique-t-elle. Il ne s'agit plus, selon elle, d'en appeler aux élites étrangères, mais de définir les besoins en main d'œuvre de la France. En novembre 2007, Brice Hortefeux, alors ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement, présente deux listes de métiers dits en tension, dans lesquels les immigrés peuvent exercer une activité salariée sans que l'Etat puisse la leur refusé au prétexte que le chômage est trop élevé dans ce secteur d'activité. Ces listes rappellent celles établies habituellement par le Canada pour sélectionner les immigrés habilités à s'installer sur le territoire canadien pour y travailler. Christophe Bertossi ne distingue pas, pour sa part, en 2007 de nouvelle étape dans la politique migratoire de Nicolas Sarkozy, sauf à dire quelle se renforce à l'échelle européenne. Du 1Er juillet au 31 décembre 2008, la France gagne la présidence de l'Union européenne et tente alors de convertir l'Union à sa politique migratoire. «Pour la France la politique d'immigration zéro ne fonctionne pas et il s'agit de faire de l'immigration choisie un modèle pour l'Europe», explique Christophe Bertossi. Elle obtient gain de cause avec le Pacte européen pour l'immigration et l'asile, adopté par le Conseil européen les 14 et 15 octobre 2008. La carte bleue européenne, sur le principe de la «green card», le visa de travail aux Etats Unis, est également adoptée en 2009. «Avec Nicolas Sarkozy, la politique migratoire passe donc de la fin du mythe de l'immigration zéro à l'immigration choisie et de l'action politique nationale à une action au niveau européen», souligne Christophe Bertossi. Pour Catherine de Wenden, toutefois «ce dispositif européen [a été] créé essentiellement pour constituer une force de dissuasion.» 2011 : machine arrière L'étape suivante, dont nous vivons les dernières semaines, commence au même moment selon Catherine de Wenden et Christophe Bertossi : en 2011. Finie l'immigration choisie et retour à l'immigration zéro. Les révolutions arabes, au printemps 2011, provoquent l'intensification des flux migratoires vers l'Union européenne depuis le Maghreb et en particulier depuis la Tunisie. Un convoi de manifestants et migrants tunisiens venus d'Italie à destination de la France est suspendu par Paris, le 17 avril. «A ce moment là l'espace de libre circulation de Schengen a été remis en cause et la France est alors passée à une logique totalement différente. Du contrôle elle est passée à la fermeture, de l'action européenne, elle s'est repliée sur son champs national», explicite Christophe Bertossi. Catherine de Wenden ajoute une dimension plus franco-française pour comprendre ce retour à l'immigration zéro : «la montée du Front National. Le gouvernement n'est plus du tout dans une approche de long terme, mais seulement animé par des visées électoralistes.» Le contexte de crise actuelle en Europe et en France explique en partie, selon elle, également, ce changement de position. Le 31 mai 2011 le ministère de l'Intérieur publie la désormais fameuse circulaire qui demande aux préfectures de limiter les changements de statut des étudiants étrangers en France vers le statut de salarié. Fin juillet 2011, le ministère de l'Intérieur publie une nouvelle liste des métiers en tensions réduite de moitié. «Les outils mis en place pendant la première période du quinquennat de Nicolas Sarkozy tant au niveau national qu'européen existent toujours en principe mais ne sont tout simplement plus utilisés», explique Christophe Bertossi.