Légaliser partiellement l'avortement n'est pas d'actualité pour la ministre de la Femme et de la Famille Bassima Hakkaoui, mais elle propose, pour trancher cette question, d'organiser un référendum populaire. Une proposition qui provoque la colère des médecins et des féministes. Bassima Hakkaoui ministre du Développement social, de la Femme et de la Famille a lancé un pavé dans la mare en évoquant «l'organisation d'un référendum populaire pour trancher dans ce dossier [l'avortement]», a rapporté, hier, Aujourd'hui le Maroc citant une interview que la ministre a accordé au journal arabophone Al Ahdath Al Maghribia, vendredi 24 février. «Une légalisation de l'avortement s'avère dangereuse […] l'avortement étant bel et bien pratiqué, il s'agit donc d'en limiter le champ, de manière à ce qu'il ne soit autorisé que pour des raisons de santé, sur recommandation du médecin et conformément aux préceptes de la religion», a-t-elle ajouté. Yabiladi a tenté de la joindre, aujourd'hui, en vain. Le 11 janvier, le ministre de la Communication Mustapha El Khalifi, avait déjà déclaré : «nous devons nous occuper de ce problème, on ne peut plus l'ignorer», au sujet de la question de l'avortement. Il avait ensuite confirmé que le Premier ministre Abdelilah Benkirane souhaitait autoriser l'avortement uniquement en cas de viol et d'inceste, sans jamais parler de referendum. Légaliser en cas de viol L'idée de demander l'avis du peuple marocain pour savoir s'il faut, oui ou non légaliser l'avortement, comme s'il ne s'agissait que d'une question de jugement moral, a provoqué la colère chez Chafik Chraïbi, président de l'Association Marocaine de Lutte contre l'Avortement Clandestin (AMLAC) qui n'a pas hésité à inviter Bassima Hakkaoui à quitter son poste de ministre. «Cela est complètement ridicule ! On ne fait pas un référendum sur une question purement médicale. L'avortement interpelle au premier plan les professionnels de la santé et les acteurs sociaux», s'insurge-t-il dans une interview à ALM. «Ce n'est pas la première fois que Bassima Hakkaoui propose un référendum sur le sujet. Légaliser l'avortement dans des conditions bien précises permettrait de sauver de nombreuses vies mais également d'éviter de nombreuses situations notamment la prostitution, le suicide, des femmes tuées par leurs familles ou [qui sont] anéanties suite à l'annonce d'un viol», poursuit-il avant d'évoquer le cas d'une petite fille de 13 ans qui a d'accouché récemment dans une maternité de Rabat après avoir été violée par l'un des membres de sa famille âgé de 57 ans. 900 avortements par jour Du côté des féministes marocaines, c'est également l'incompréhension et la colère. «Elle [Bassima Hakkaoui] fait comme Nicolas Sarkozy, elle veut mettre des référendums partout !», s'exclame Rhizlaine Bénachir, présidente de l'association Jossour Forum des Femmes Marocaines. «C'est scandaleux ! La nouvelle Constitution nous donne des droits à l'égalité et nous, nous considérons que l'avortement est un droit et un moyen de protéger les femmes surtout en cas de viol des jeunes filles qui se font violer par leur père, frère ou gardien et que ce viol engendre des conséquences sociales et morales désastreuses. Certaines filles s'empoisonnent même pour faire tomber l'enfant non désiré», ajoute-elle hors d'elle. Rhizlaine Bénachir tient également à insister sur le fait que les féministes réclament que l'avortement soit légal surtout en cas de viol et d'inceste et non lorsque les femmes y ont recours de façon trop systématique, comme un mode de contraception. D'après les chiffres de l'AMLAC, 900 avortements sont pratiqués tous les jours au Maroc, y compris ceux qui ont lieu dans les maisons. En janvier dernier, Chafik Chraïbi expliquait au New York Times que certaines femmes venaient le consulter après avoir subi des mutilations au niveau du ventre et de l'utérus ou subi des avortements clandestins qui avaient lieu dans des salles d'opérations de fortune. L'intervention coûte en moyenne 2000DH. Enfin, toute Marocaine qui subit un avortement clandestin encourt, aujourd'hui, jusqu'à deux ans de prison. De son côté, le médecin risque une peine de 20 ans de prison si la patiente décède.