D'octobre 2017 à février 2020, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, au point que les magistrats de la Cour Européenne des Droits des l'Homme opèrent une volte-face. Ils autorisent désormais les expulsions à chaud vers le Maroc de migrants subsahariens qui entrent illégalement à Ceuta et Melilla. La Cour européenne des droits de l'Homme a prononcé ce jeudi 13 février un arrêt qui fera certainement date et un cas de jurisprudence. La CEDH a considéré, à l'unanimité des voix de ses membres, que l'Espagne n'a pas violé la Convention européenne des droits de l'Homme en renvoyant au Maroc des migrants qui tentaient de franchir les clôtures de Melilla. Le tribunal estime que «les requérants se sont mis eux-mêmes dans une situation d'illégalité lorsqu'ils ont délibérément tenté, le 13 août 2014, d'entrer en Espagne en franchissant le dispositif de protection de la frontière de Melilla, à des endroits non autorisés et au sein d'un groupe nombreux, en profitant de l'effet de masse et en recourant à la force», explique la Cour. Et d'ajouter qu' «ils ont par conséquent décidé de ne pas utiliser les voies légales existantes permettant d'accéder de manière régulière au territoire espagnol. Dès lors, la Cour estime que l'absence de décision individuelle d'éloignement peut être imputée au fait – à supposer qu'ils aient voulu faire valoir des droits tirés de la Convention – que les requérants n'ont pas utilisé les procédures d'entrée officielles existant à cet effet et qu'elle est donc la conséquence de leur propre comportement». Un revirement inattendu Cet arrêt de la Grande chambre de la Cour marque un revirement inattendu. Il casse en effet une décision prise sur le même cas et par le même tribunal, datant du 3 octobre 2017, condamnant le gouvernement espagnol à indemniser chacun des deux migrants subsahariens à hauteur de 5.000 euros pour «préjudices moraux». La Cour avait considéré que les rapatriements à chaud vers le Maroc sont contraires à l'article 4 du Protocole n° 4 de la Convention portant sur l'interdiction des expulsions collectives. Immédiatement après la publication de l'arrêt de ce 13 février, une association de la Guardia Civil a demandé aux ONG espagnoles de présenter «publiquement des excuses» pour avoir «systématiquement remis en question la légalité de (leurs) actions tout au long de la frontière» avec le Maroc, rapporte le quotidien de droite La Razon. Et de conclure leurs communiqué en réclamant des ONG la restitution «des fonds publics ayant servi à l'organisation de points de presse, de conférences et des rapports de médecins légistes» dénonçant ces expulsions. L'arrêt de la CEDH encourage désormais l'Espagne à poursuivre ses opérations d'expulsions à chaud de migrants subsahariens qui entrent de manière irrégulière à Melilla ou Ceuta ainsi que dans les ilots sous son contrôle en Méditerranée. Pour mémoire, c'est l'exécutif de droite de Mariano Rajoy qui avait présenté le recours contre la décision de la CEDH en 2017.