Peintre et plasticienne autodidacte basée à Rabat, Loubna Alami a créé un univers artistique fascinant, qui dessine les contours de son vécu, de ses douleurs, de ses joies et de ses espoirs. Du perlage au collage, en passant par les toiles en relief, son œuvre rappelant le style de Gustav Klimt, est dédiée à toutes les femmes. Tout a commencé instinctivement de ce qui peut être la madeleine de Proust de plusieurs écolières, devenues femmes aujourd'hui. L'artiste peintre Loubna Alami a trouvé sa première inspiration pour ses toiles dans le «cahier des souvenirs». Cet agenda parmi les plus beaux, soigneusement rangé avec les affaires scolaires, fait le tour des copines de classe ou d'établissement, constituant ainsi un recueil de dédicaces personnalisées qui marque la douce enfance. «Pour beaucoup de petites filles, le «cahier de souvenirs» a été aussi un support pour exercer leurs meilleurs talents créatifs via le dessin, l'utilisation des crayons de couleurs, de stylos fluorescents, du brillant, des pièces qui tiennent à cœur et des collages. J'y ai puisé les contours de ma méthode de travail actuelle», s'amuse-t-elle à confier à Yabiladi. «Lorsque mon père m'a vue développer des affinités avec le dessin, il n'a pas hésité à m'acheter le matériel nécessaire, me permettant de tester l'encre de Chine ou la gouache, sur papier fin ou canson. Je n'oublierai jamais c'est lui qui m'a permis d'aller de l'avant dans ma vocation.» Loubna Alami, artiste peintre Loubna Alami est née en France. Elle y a vécu pendant près de deux ans, alors que son père travaillait au consulat marocain de Nanterre. Par la suite, la famille est rentrée au Maroc et l'artiste a fait des études en finance et gestion administrative à l'Université Al-Akhawayn. Au sein de cette dernière, elle a bénéficié d'un financement pour ouvrir un petit atelier, où elle s'est exercée, tout en donnant des cours d'initiation au dessin. «J'avais l'idée de faire une école des beaux-arts en France. Cela n'a pas été possible car âgée de 17 ans à ce moment-là, mes parents n'étaient pas d'accord que j'aille vivre dans un autre pays, même s'ils m'encourageaient toujours à dessiner», explique-t-elle. En 2003, Loubna Alami ouvre son cabinet d'assurance à Rabat, qu'elle dirige encore aujourd'hui. Mais son amour pour l'art pictural ne la quitte pas. Un assemblage de collage et de perlage Si le «cahier de souvenirs» a beaucoup marqué Loubna Alami, celle-ci s'est intéressée plus assidument à la peinture sur toile après une visite au Musée Prado à Madrid, en 2009. «C'était pour la première fois de ma vie que je me rendais à un musée. C'est là où j'ai commencé réellement à expérimenter la peinture à l'huile, les différentes dimensions de pinceaux, de cutters et j'ai appris en autodidacte», raconte-t-elle. Son processus artistique a muri à travers les années, avec une recherche de pièces pour assemblage sur toile, constituant ainsi des figures féminines pleines de sens. Aujourd'hui, Loubna Alami utilise beaucoup de matériaux, bien qu'elle se base principalement sur la peinture à l'huile. «J'y ajoute d'autres genre de peintures, comme celle de glace, celle de la poterie et de la céramique, des fils de cuivre, du sable, tout ce qui vient à la main.» En développant ce procédé, elle s'est éprise des techniques de perlage, dès 2012. «Cela a été au centre de mon exposition à Rabat en 2015, sur invitation du Sofitel Jardin des roses, avec des œuvres parsemées de petites perles de Swarovski», nous dit-elle. Après quoi, l'idée lui est venue d'utiliser de la peinture à bougies, à tissu et à soie. «Je m'en sers pour dessiner des motifs qui peuvent s'apparenter à la broderie, inspirés des tatouages corporels et des ornements de hennée». Les perles s'y sont greffées, donnant des effets visuels aussi étonnants que fascinants à des toiles qui prennent vie de la sorte. Crédit : Loubna Alami Ces bijoux aux couleurs chatoyantes, Loubna Alami les incruste également sur des sculptures en bois ou en plastique, qu'elle se plaît à façonner de ses propres mains. Une fois la figurine prête, elle colle dessus ces perles à l'aide de cire chaude. «J'en ai fait des déclinaisons sur la toile, car je n'aime pas les dessins plats. Il faut qu'il y ait des reliefs, un matériau en 3D et qu'y a-t-il de plus beau que des perles pour cela», s'exclame-t-elle. Des variantes de l'abstrait qui racontent des situations réelles Les dessins de Loubna Alami montrent souvent des personnages féminins. «A travers ces thématiques, je crée un monde entre l'imaginaire et la réalité, qui est à moi et que je partage ainsi. Je mets en avant principalement des figures féminines, d'abord parce que je suis une femme !», soutient-elle fièrement. Elle nous confie raconter une partie de sa vie à travers ses œuvres. Ainsi, dans sa première exposition, elle transmet «un message fort en parlant du couple stérile», sujet tabou au Maroc, il y a tout juste quelques années. Crédit : Loubna Alami D'ailleurs, le non-dit perdure encore, dans certains milieux de la société. Elle l'explique : «Globalement, nous pouvons en parler désormais avec un peu plus d'aisance, ce qui n'a pas toujours été le cas. J'ai vécu cette situation, je n'ai pas pu avoir d'enfants, j'ai essayé donc de la raconter à travers mes toiles.» «Une femme bouleversée par l'idée de ne pas pouvoir concevoir un bébé porte tout ce poids sur la tête. Tout ce qui se passe dans son esprit est exprimé à travers des ornements qui tentent de mettre un peu de beauté sur sa douleur, pour que les gens s'attardent davantage dessus et la méditent à leur manière.» Loubna Alami «L'exposition que j'ai faite en 2015 suit l'évolution de l'état d'esprit de cette femme, étape par étape, donc toile par toile, avec un passage de la douleur extrême, de l'espoir à l'acceptation et la conciliation, jusqu'à la fin où cette femme se dévoile et vit sa vie comme elle est, telle une libération», relate encore Loubna Alami. Crédit : Loubna Alami