Le gouvernement n'a pas de vision pour aborder la culture et la production du kif dans plusieurs provinces du royaume, selon le président du groupe de l'Istiqlal à la Chambre des représentants. Noureddine Modiane estime aussi que l'exécutif «doit oser ouvrir le débat» pour l'intérêt du pays et «loin de toute récupération politique». Le 8 janvier prochain, le ministre de la Justice, Mohamed Ben Abdelkader rencontrera des hauts cadres du Parti de l'authenticité et de la modernité (PAM) pour discuter de deux propositions de lois en rapport avec la culture du cannabis au Maroc. Si le PAM a proposé une «amnistie générale au profit des agriculteurs de cannabis» et la «légalisation de la culture du cannabis», le Parti de l'Istiqlal partage, depuis décembre 2013, les mêmes revendications. Noureddine Modiane, président du groupe istiqlalien à la Chambre des représentants et élu de la région du Nord, revient avec Yabiladi sur la légalisation du cannabis et la vision du parti de la Balance. Pourquoi le projet de loi proposé par l'Istiqlal est resté lettre morte depuis sa présentation en décembre 2013 ? Notre projet de loi est toujours soumis à la Commission de la Législation à la Chambre des représentants. Cela veut dire que nous pouvons l'actualiser à n'importe quel moment. D'autre part, le gouvernement n'est pas encore prêt à discuter de ce dossier pour des raisons que nous ignorons. Il semble qu'il veuille que cette question reste en suspens. Malheureusement, le gouvernement n'est pas clair sur ce dossier, ce qui crée un vrai problème dans les zones où le kif est cultivé. Le gouvernement n'a pas non plus de vision pour ce dossier. Il peut l'interdire comme l'autoriser dès demain, comme plusieurs pays en Amériques et en Europe. Les autorités marocaines affirment pourtant que les zones cultivées sont en régression…. Il y a une zone qui grandit d'année en année. Oublions les annonces de baisse des superficies cultivées en cannabis car ce n'est que du baratin. Le kif n'était cultivé que dans la région d'Al Hoceima, Beni Khaled et Chaouen. Maintenant, il concerne toutes les préfectures du Nord, y compris Tétouan et Larache. De plus, le dossier pose de véritables problèmes en ce qui concerne les droits de l'Homme et des libertés. Des citoyens sont en liberté provisoire à cause de cette plante. Toutes les personnes, agriculteurs et parfois même des non-agriculteurs, peuvent à n'importe quel moment être interpellées. Plus de 30 000 personnes sont recherchées et plusieurs ont été arrêtées. Nous savons que ce ne sont pas les petits agriculteurs qui cultivent du kif, mais plutôt des barons de la drogue. Y a-t-il une vraie volonté politique de la part du gouvernement de régler cette question et de se diriger vers une amnistie pour les agriculteurs et une dépénalisation de la culture du cannabis ? L'Istiqlal a déposé un projet de loi prometteur et important qui nous a coûté cher. Nous avons fait gagner du temps au gouvernement avec notre projet de loi avec plus de 60 articles. Nous avons consulté des experts et effectuer des benchmarks pour légaliser cette culture pour différents domaines médicinaux, pharmaceutiques et industriels. Ce dossier a souvent été utilisé à des fins électorales malheureusement. On a menacé des personnes pour aller voter pour untel. Cela a même été utilisé contre nous. Ce gouvernement ne semble pas vouloir traiter de notre proposition, qui a bénéficié de l'expertise de plusieurs intervenants et des experts. Le dossier reste, en attendant, ouvert, puisque la culture est là et des arrestations et des interpellations se poursuivent. Qu'avez-vous à dire à ceux qui reprochent aux politiques soutenant une légalisation de la culture du cannabis et une amnistie, d'encourager l'usage de la drogue ? L'Istiqlal est contre les drogues et malheureusement, ces substances sont utilisées justement dans ce sens alors qu'elle peut être plus que ça. On peut créer des coopératives et avoir des agriculteurs qui cultivent cette matière première. Je dis toujours qu'il n'y a pas de différences entre le kif et les raisins ou encore les figues. Les figues sont cultivées et ce fruit a plusieurs effets bénéfiques, bien que certains l'exploitent pour en faire de l'eau de vie. C'est pareil pour le raisin ainsi que pour le kif qui n'est utilisé que pour des fins négatives, à savoir la production de stupéfiants. Nous voulons que cette matière première soit utilisée pour des buts positifs et nous sommes optimistes sur le fait que ce dossier refasse surface. Est-il temps d'ouvrir, selon vous, un débat national sur cette question ? Tout à fait. Le gouvernement doit oser ouvrir le débat pour en discuter. Nous voulons que ce dossier fasse l'objet d'un débat national pour savoir ce que nous voulons. Le kif est une réalité qui s'impose dans sept provinces composant la région du Nord. Le fait de laisser les choses dans l'opacité est inadmissible. Ce dossier doit être débattu, de manière positive et objective, pour l'intérêt de notre pays et loin de toute récupération politique.