Constituant une dynastie amazighe sanhajienne éponyme, les Zirides ont régné de 972 à 1148 de notre ère sur une partie de l'Afrique du Nord et du sud de l'Europe, où ils ont multiplié les incursions en Espagne ou en Italie. Leur dernière en Sicile leur aura été fatale, puisqu'elle a précipité leur chute. Armée vassale des Fatimides (652 – 1171) au départ, les Zirides ont fini par constituer un empire de taille, qui a régné de 972 à 1148 dans les parties nord du Maghreb, du Maroc jusqu'en Lybie. Après avoir rompu leur lien avec les Fatimides, ils décrètent la mise en place de leur dynastie, qui s'est renforcée jusqu'à susciter les craintes des princes siciliens ou encore andalous. Dans la péninsule ibérique, les dirigeants omeyyades (929 – 1031) quittent en effet un territoire profondément divisé, en 1031. L'émergence des Taïfas (1031 – 1492), au sein desquelles chaque émir met en place une principauté sous la tutelle de sa famille et de ses proches, affaiblit davantage le pouvoir des musulmans, renforce les rois chrétiens et expose le territoire aux guerres intestines. Si les Abbadides (1023 – 1091) à Séville s'en sortent avec le moins de dégâts, parvenant à élargir leur zone d'influence dans le sud d'Al-Andalus, les Zirides lorgneront la péninsule ibérique et profiteront de la cartographie politique éparse pour mener leurs incursions. C'est ainsi qu'au début du XIe siècle, ils se répartissent les territoires du Maghreb central, de l'Ifriqyia et de l'Egypte, tout en installant un royaume à Grenade dès 1019. Vie est mort d'une dynastie aux grandes ambitions «S'il est presque toujours impossible de retracer la vie intérieure des royaumes de taïfas ainsi que le détail des luttes qui les opposèrent, nous disposons, par exception, pour écrire l'histoire des Zirides de Grenade, d'une source de tout premier ordre : les Mémoires du quatrième et dernier souverain de la dynastie, Abd Allah», écrit à ce sujet l'archéologue et historien français Henri Terrasse, dans «La vie d'un royaume berbère du XIe siècle espagnol : l'émirat ziride de grenade». Histoire : La Sicile, terre d'influence arabo-normande Cet incontournable ouvrage permettant de retracer l'épopée ziride dans le sud de l'Europe est constitué de cinq fragments, «retrouvés à la mosquée de la Qaraouiyn à Fès parmi un amas de manuscrits qui, à une date inconnue», ont été analysés et traduits. Le roi ziride y rappelle notamment le règne de deux premiers dirigeants, à savoir Zawi et Habbous. «Il est plus explicite sur le règne de son prédécesseur Badis et il narre en détail son propre règne ; le récit des difficultés qui précédèrent sa déposition par les Almoravides (1040 – 1147), bien qu'il soit un plaidoyer, est une précieuse confidence. On sait combien les Mémoires sont rares dans l'historiographie musulmane», note l'historien français, indiquant que ces fragments proposent un récit relativement objectif sur les événements de ce temps-là. Alors que la cité ziride de Grenade est en construction, les armées omeyades d'Abd ar-Rahman al-Mourtada, aidées par des affranchis et des Zénètes, lorgnent eux aussi la ville et ordonnent aux Zirides de la leur abandonner, ce que ces derniers refusent. Lorsque Youssef ben Tachfine restaura le prestige d'Al-Andalus en combattant les Taïfas «Attaquant leurs adversaires, ils les mirent en déroute au premier choc et les poursuivirent en recueillant un riche butin. Par cette rapide victoire l'installation des Zirides à Grenade fut désormais consolidée», écrit Henri Terrasse sur l'indépendance rapide de cette dynastie amazighophone. Le déclin d'une dynastie qui a donné du fil à retordre aux rois chrétiens Zawi, leader ziride de Grenade à ce moment-là, ne se sent pas pour autant en sécurité, faute d'un large appui des Andalous. Se rendant à l'Ifriqiya à l'annonce du décès de l'émir Badis b. Al-Mansour et pour s'associer au nouveau souverain, il confie Grenade à son fils Habbous. Mais à Kairouan, Zawi meurt lui aussi, empoisonné, laissant sa dynastie andalouse en proie aux instabilités jusqu'en 1090. Prouvant cependant une certaine force militaire, les Zirides d'Al-Andalus se rallient Malagá, puis Séville, avec un soutien d'Almeria. Par ce biais, les Zirides ont pu traverser ces années sans grande crise, jusqu'en 1071. Mais la prise de Tolède en 1085 aura été un coup dur pour Abd Allah, entraîné avec ses voisins dans le douloureux épisode de la Reconquista d'Al-Andalus (722 – 1492). A Grenade, ils ont été défaits par les Almoravides, qui se rallient Al-Andalus et finissent par unifier la péninsule ibérique. Henri Terrasse rappelle la déposition d'Abd Allah en 1090 : «En quatre-vingt huit ans, quatre souverains se succédèrent à Grenade : Zawi b. Ziri (1012 – 1019), Habbous b. Maksan (1019 – 1038), Badis b. Habbous (1038 – 1073), Abd Allah b. Badis (1073 – 1090).» S'ensuit une série de défaites pour les Zirides au XIIe siècle, notamment après l'intervention des Normands de Sicile. En effet, leur succès a également été observé dans le sud de l'Italie, même s'il a été de courte durée. A l'issue d'une série de batailles, c'est l'instauration du royaume normand qui a permis aux chrétiens de reprendre le dessus. Cette installation s'est achevée en 1130 par Roger II de Sicile (1130 - 1154), après une courte lutte avec les Amazighs de la dynastie ziride. D'ailleurs, l'expansion normande avec la conquête de Djerba (1134) a confirmé les faiblesses des Zirides dans leurs dernières années de règne, montrant les prémices d'une fin de règne. C'est à ce moment-là que les villes côtières de l'Ifriqiya sont en proie aux interventions siciliennes. En 1148, elles sont entièrement sous l'emprise des rois chrétiens de Sicile. Le Ziride Hassan ibn Ali est chassé de son fief de Mahdia, signifiant ainsi la chute de sa dynastie. Pour Henri Terrasse, les Zirides auront cependant constitué l'«un des plus anciens en date des états musulmans du XIe siècle».