Moughit El Moutaouakil, dit Guito, est un acharné de la boxe. Ni une fracture, ni sa mise à l'écart de certaines compétitions, faute de nationalité française, ne l'auront fait abandonner sa passion pour le noble art. Il y a essuyé une seule défaite, contre douze victoires dont 8 KO. Né à El Kelâa des Sraghna en 1989, Moughit El Moutaouakil, connu sous son nom de combat Guito, a rejoint la France par regroupement familial en 1992. Son père soudeur a malheureusement fait partie des premières victimes de l'amiante, un cancer des poumons l'emporte en seulement quatre mois. «J'ai perdu mon père en 2003 quand j'avais 14 ans. Ma grande sœur parmi les six enfants que nous sommes nous a été d'une grande aide. Parallèlement, j'ai été très attiré par le sport et en plus de l'école, j'ai fait du kayak, du football, de la course… J'ai aussi commencé la boxe en amateur, que j'ai pratiquée de 15 à 18 ans à travers neuf combats amateurs», raconte le boxeur à Yabiladi. Car la vie de Guito est faite de défis qu'il a toujours relevés par sa force mentale face aux épreuves les plus dures. A 18 ans, il brille déjà dans la boxe amateure, mais est mis à l'écart des championnats de France car ouverts qu'aux nationaux français. «Le temps est vite passé entre un an d'études, le travail et la petite famille que j'ai fondée, jusqu'en 2015 où je suis devenu agent territorial dans l'Essonne en tenant parallèlement une sandwicherie», se rappelle celui qui a mis la boxe entre parenthèses pendant toute cette période. Moughit se consacre alors à son foyer et à ses quatre filles, il gagne bien sa vie, mais ne se retrouve pas dans un corps qui pèse désormais 98 kilogrammes. «Je ne supportais plus me voir en surpoids. J'ai donc décidé de reprendre le sport et je suis reparti en salle de boxe à Corbeille, dans le club où j'avais évolué plus tôt», nous raconte-t-il. Un loisir devenu profession Jamais il n'aurait imaginé que réintégrer son sport favorit pouvait le mener à devenir l'un des meilleurs professionnels de France. Pourtant, c'est ce qui s'est passé, non sans obstacles, comme il nous l'explique encore : «Arrivé à la salle de boxe, j'ai été contraint de ne m'entraîner que pendant les horaires consacrés aux loisirs et j'ai mal vécu cela, mais ça a été mon déclic. Pendant six mois, j'ai fait un régime et j'ai multiplié les heures d'entrainement. J'ai perdu 20 kilos puis j'ai obtenu une licence de boxe en amateur. Après quoi, j'ai commencé à participer à des compétitions ouvertes aux étrangers. Après deux combats, je me suis retrouvé en finale et ça m'a encore plus boosté.» Guito enchaîne avec les combats de gala et en mars 2016, il mène son premier combat professionnel à Corbeille-Essonne. «Je gagne par KO, les cinq combats suivants sont remportés par KO, jusqu'au sixième gagné sans KO, mais joué en plein ramadan !», se souvient-il fièrement. Sur sa lancée, il s'inscrit au Tournoi des professionnels de France, une compétition ouverte aux étrangers et qu'il a remportée en 2018. De plus en plus de personnes l'encouragent et suivent ses combats avec engouement. «On me propose ensuite un combat de gala à Bahreïn, que j'accepte en tant que boxeur marocain avec huit matches professionnels disputés et gagnés dont six par KO. C'était une belle expérience dont je sors avec une victoire», se félicite-t-il. Mais la même année, en mai 2018, Guito se rend à moto à l'un de ses entrainements à Levallois-Perret, lorsqu'il est percuté par une voiture. Il s'en sort avec une fracture à la clavicule qui a nécessité une opération chirurgicale. Le boxeur a déjà 28 ans et son entourage voit en l'accident la fin d'une carrière prometteuse. Guito, lui, croit dur comme fer à son retour sur le ring : «Je me disais je ne pouvais pas mettre fin à mon parcours juste à cause d'un accident. S'ensuit une rééducation pendant trois mois puis une reprise des entraînements.» Nouveau retour sur le ring En décembre 2018, le Marocain Najib El Bahja lui propose de participer à un gala, qu'il gagne contre le même adversaire vaincu en 2016 en plein ramadan. «Je suis revenu ainsi à la compétition professionnelle et je suis officiellement licencié à Levallois Sporting Club depuis janvier 2019», précise le boxeur. «Je fais mon premier combat deux semaines après cette nouvelle licence durant la soirée de Ring Star contre un ancien de l'équipe de France amateurs. Je remporte le combat, mon adversaire en sort très marqué, mais je suis déclaré perdant parce qu'on a jugé un point de plus sur les touches». C'est cette défaite qui est la première et la seule dans le parcours professionnel de Guito. Ne reculant devant rien, il s'engage dans la Coupe de la Ligue professionnelle qui est une compétition ouverte aux étrangers et qui équivaut aux Championnats de France. «En demi-finale, j'affronte le numéro deux classé à l'échelle nationale, double-champion de France, le 18 juillet dernier à Paris. A la cinquième reprise sur un match de huit rounds, je remporte le combat signant mon grand retour.» Guito Le 12 octobre dernier, Guito affronte Karim Benasria à Levallois-Perret. Ce dernier a beaucoup d'expérience mais Moughit finit par le vaincre en six rounds, ce qui le qualifie à la finale de la Coupe de la Ligue, où il tombe sur le boxeur affronté en finale du Tournoi de France. S'il avait été de nationalité française, Guito, vainqueur par KO, aurait fini challenger du championnat de France. Un match retransmis sur Canal+ qui a fait la fierté de sa famille et ses proches en France, au Maroc ou au Canada. Un espoir pour le Maroc et la France Dans la foulée, la Fédération française de boxe tente d'accélérer le traitement de sa demande de naturalisation et Guito bénéficie d'un grand soutien de la part de son club, afin d'obtenir la nationalité sportive et participer au Championnat de France ainsi qu'aux tournois européens. Par ailleurs, Guito envisage aussi de négocier sa participation marocaine au sein du Groupe national de boxe professionnelle (GNBP), car jusque-là les responsables de boxe au Maroc n'ont «jamais entrepris de démarches pour [l]'associer à la boxe professionnelle nationale en tant que MRE». C'est par ses propres moyens qu'il représente le Maroc dans les compétions en France et ailleurs, nous raconte-t-il. «C'est un honneur pour moi de représenter le drapeau et d'entendre l'hymne national marocain.» Guito «Mon souhait est de pouvoir jouer pour les deux drapeaux, si j'obtiens la nationalité française et si je suis intégré au circuit des organisations officielles marocaines de boxe», nous confie le champion.