Du haut de ses 25 ans, l'artiste Younes Miloudi redonne vie aux cassettes et à leurs bobines, devenues sa marque de fabrique de tableaux inédits à travers lesquels il immortalise des figures de la musique marocaine. Né à Oujda, Younes Miloudi obtient en 2012 son baccalauréat en arts appliqués. C'est ainsi qu'il s'installe à Casablanca, où il rejoint l'Ecole supérieure des Beaux-Arts et obtient son diplôme en design d'intérieur. Depuis, le jeune artiste passe un stage au sein d'une entreprise automobile, dans le cadre d'un projet artistique. Mais à l'issue de ce stage, il ne songe pas à postuler pour un poste permanent, optant plutôt pour ses projets créatifs. «A l'origine, j'ai commencé ce concept comme un passe-temps, une passion. Mais de fil en aiguille, j'ai su que je ne pouvais pas faire autre chose et que c'était ce sur quoi je devais travailler», confie-t-il à Yabiladi. «Lorsque vous intégrez le salariat, vous n'avez pas beaucoup de temps pour la création artistique. Vous finissez tard, vous travaillez sur quelque chose qui ne vous appartient pas entièrement…», explique l'artiste, ajoutant que c'est pourquoi il a décidé «de ne pas faire autre chose que de [se] concentrer sur [son] art, lui consacrer du temps et gagner de l'argent à travers cela, afin de continuer à développer les choses». «Mon premier travail sur les cassettes remonte à mes années d'études, dans le cadre d'un atelier de recyclage», confie le digital native en évoquant son choix délibéré de s'intéresser à l'analogique, au temps du numérique. «Il a été demandé aux participants de produire des objets artistiques en utilisant des déchets et c'est comme ça que j'ai pensé à collecter et exploiter les cassettes, pour en faire des supports qui me serviront de tableaux dessinés», explique l'artiste. «J'ai choisi des cassettes après un long processus de recherche sur ce que délaissent les Marocains de plus en plus, mais qui fait notre empreinte musicale et constitue une partie de notre mémoire commune. J'ai voulu redonner vie à ces figures en ravivant les rapports entre l'humain et la musique, à travers ces bobines qui représente l'âge d'or de la musique marocaine.» Younes Miloudi Un retour aux sources pour mieux avancer «Au début de mon travail sur ce concept, je n'arrivais pas à cerner la nature de mon rapport aux cassettes. Au fil du temps, j'ai commencé à me poser la question», raconte Younes Miloudi. «En remontant à l'enfance, je me suis rappelé de mon oncle qui avait un studio. J'y allais souvent et je travaillais avec lui sur les cassettes : il m'apprenait à faire du montage, à enregistrer, etc. C'est resté dans mon esprit, jusqu'à ce que cela ressurgisse de la sorte», se rappelle-t-il. Sa matière première, Younes Miloudi se l'est d'abord procurée via le studio de son oncle. En effet, ce dernier lui a fournit un lot important pour lancer son concept. Il a également fouiner du côté des marchés aux puces, auprès de vendeurs ou encore à travers des amis et des connaissances qui les lui rassemblent à l'occasion. Même les réseaux sociaux sont mis à conteibution puisque de nombreuses personnes en possession de cassettes le contactent via la page Facebook de son projet. «Au début, les gens ont trouvé bizarre qu'on utilise des cassettes pour faire une toile. Mais de fil aiguille, j'ai commencé à remarquer qu'ils portaient un regard particulier, qu'une connexion se tissait entre eux et le tableau dessiné sur ces cassettes», confie l'artiste, dont les œuvres ont été montrés publiquement pour la première fois il y a tout juste deux ans. En 2017, la carrière artistique de Younes Miloudi connaît en effet un tournant, avec la tenue de sa toute première exposition à la Galerie des Arts d'Oujda. «J'ai travaillé avec 20 artistes de l'Oriental, tels que Hamid Bouchnaq, Douzi et Mimoune El Oujdi (…) J'ai pensé ensuite à mener le même projet avec des artistes d'autres régions», explique-t-il. Dans son élan, l'artiste organise une seconde exposition en 2019 au Morocco Mall de Casablanca. A travers les toiles montrées au public, il a rendu hommage aux femmes marocaines pionnières dans différents domaines. S'ensuit une troisième rencontre, toujours à Casablanca, dans l'un des restaurants chics de la métropole économique. Avancer doucement mais sûrement Ayant réussi à se faire un nom, Younes Miloudi a lancé un nouveau projet intitulé «Kasseta VHS», comme un prolongement de son concept qui se façonne au fil des années. Parallèlement à la huitième édition du Festival du film maghrébin à Oujda, il a organisé une quatrième exposition, cette fois-ci au Théâtre Mohammed VI de sa ville natale. «J'ai dessiné des portraits de plusieurs symboles des la musique nord-africaine, comme le comédien Mohamed Bestaoui, Mohamed Dkhissi, le réalisateur Kamal Kamal, l'acteur égyptien Cherif Mounir, le cinéaste algérien Rachid Bouchareb et l'actrice tunisienne Fatima Ben Saâdane.» Younes Miloudi En septembre dernier, le jeune artiste a participé à une exposition dans la ville de Benguerir, sous les auspices de l'Institut IRESEN pour la recherche et le développement des énergies solaire et renouvelables. Sa participation porte le nom d'«Afro Kasseta» en rendant hommage à de grandes figures ayant marqué l'histoire de tout le continent africain, dont les portraits ont été dessinés avec des bobines sonores et vidéos. Younes Miloudi fait partie de ces artistes qui ne jurent que par le travail acharné et créatif. «Les jeunes sont nombreux à avoir de belles idées, mais leurs incertitudes ne les laissent pas travailler sur la durabilité de leurs concepts (…) Je les appelle vraiment à briser cet obstacle : s'ils ont une idée ou un concept, qu'ils travaillent dessus malgré les difficultés», conseille-t-il, car pour lui «il faut toujours être convaincu de ce qu'on fait pour y arriver».