Une nouvelle étude publiée lundi a conclu que les premiers ancêtres de l'Homme anatomiquement moderne sont apparus dans une «patrie» de l'Afrique australe et y ont prospéré il y a 200 000 ans. Des conclusions basées sur les analyses de l'ADN mitochondrial, permettant de cartographier la «plus ancienne» lignée maternelle d'êtres humains. Il y a deux ans, la mise à jour des restes d'Homo sapiens primitif, associés à des outillages de pierre et à des restes de faune à Jbel Irhoud, dans la province de Youssoufia (région de Marrakech-Safi), a agité la communauté scientifique internationale. Le fait que les fossiles dataient d'environ 300 000 ans plaçait l'Homo sapiens de Jbel Irhoud comme le plus vieil ancêtre de l'humain et le Maroc comme nouveau berceau de l'humanité. Une théorie qui vient d'être relativisée par une nouvelle étude, élaborée par une équipe internationale de chercheurs et généticiens sous la direction de Vanessa Hayes, de l'Institut de recherche médicale Garvan à Sydney. Publiée lundi dans la revue Nature, l'étude affirme que l'Homme anatomiquement moderne (l'humain actuel) provient plutôt «d'une seule et même population qui vivait en Afrique australe il y a environ 200 000 ans». Cartographier la plus ancienne lignée maternelle d'êtres humains Ses auteurs affirment ainsi avoir tracé la région d'origine ancestrale de tous les êtres humains jusqu'à une vaste zone humide qui s'étendait sur une grande partie de l'actuel Botswana et servait d'oasis dans une étendue d'Afrique autrement aride. «La bande de terre située au sud du fleuve Zambèze est devenue une patrie florissante pour l'Homo sapiens il y a 200 000 ans et entretenait une population isolée et fondatrice de la race humaine pendant au moins 70 000 ans», rapporte The Guardian. Ce groupe serait resté dans la région jusqu'à ce qu'un changement de climat ait apporté des pluies au nord-est et au sud-ouest, incitant ainsi les premiers hommes de se répandre dans de nouveaux territoires. «Nous savons depuis longtemps que les humains modernes sont originaires d'Afrique, il y a environ 200 000 ans, mais nous ne savions pas avant cette étude où c'était exactement», a déclaré le professeur Vanessa Hayes, généticienne et auteur principale de l'étude. Les conclusions de cette dernière sont basées sur l'analyse de 1 217 échantillons d'ADN mitochondrial, confiné à l'intérieur des mitochondries, qui sont des organites produisant l'énergie cellulaire et qui est non mendélienne, c'est-à-dire uniquement transmis par la mère. Tout l'ADN utilisé dans l'étude provenait de personnes vivant en Afrique australe aujourd'hui. Hayes et ses collègues l'ont ainsi utilisé pour «cartographier la plus ancienne lignée maternelle connue d'êtres humains encore en vie». «L'ADN mitochondrial agit comme une capsule temporelle de nos mères ancestrales, accumulant les changements lentement au fil des générations. La comparaison du code ADN complet, ou mitogenome, de différents individus fournit des informations sur leur proximité.» Vanessa Hayes Le crâne d'Homo sapiens primitif découvert à Jbel Irhoud. / Ph. DRLe crâne d'Homo sapiens primitif découvert à Jbel Irhoud. / Ph. DR Remettre en cause l'évolution de l'Homo sapiens Mais l'étude des généticiens de l'Institut de recherche médicale Garvan à Sydney n'est pas sans soulever des questions. «Je suis absolument prudent en utilisant des distributions génétiques modernes pour déduire exactement où vivaient les populations ancestrales il y a 200 000 ans, en particulier sur un continent aussi vaste et complexe que l'Afrique», a réagi Chris Stringer, qui étudie les origines humaines au Natural History Museum de Londres, auprès de The Guardian. Pour lui, l'ensemble de données découverts jusqu'à nos jours suggèrent que «nous sommes un amalgame d'ascendance de différentes régions d'Afrique avec, bien sûr, l'ajout d'un métissage avec d'autres groupes humains en dehors du continent». Si cette nouvelle étude affirme que l'Homme anatomiquement moderne (l'humain actuel) est originaire de l'Afrique australe, celle sur l'Homo sapiens d'Irhoud précisait qu'il s'agissait d'un Homo sapiens primitif. «Leur visage est celui de gens que vous pourriez rencontrer aujourd'hui dans la rue. Portant un chapeau, ils seraient indiscernables pour nous. Sans chapeau cependant, le crâne semble plus bas et plus allongé à l'arrière», avait déclaré à l'époque le professeur Jean-Jacques Hublin de l'Institut Max Planck d'anthropologie évolutionniste de Leipzig, co-auteur de l'étude sur l'Homme d'Irhoud, cité par Inews. Bien que la nouvelle étude ne remette pas en question l'âge des fossiles découverts au Maroc, elle met toutefois le doute sur l'évolution linéaire de la race humaine et surtout les liens entre l'Homme tel que nous le connaissons aujourd'hui et l'Homo sapiens d'Irhoud. Ce dernier pourrait, en d'autres termes, ne pas être le grand-père de l'humanité, car l'Homo sapiens, plus vieux selon la découverte faite au Maroc, serait aussi beaucoup plus complexe que ce que nous imaginons. Article modifié le 2019/10/29 à 16h39