Depuis ce lundi, le Collectif 490 pour l'abolition des dispositions du Code pénal criminalisant les relations sexuelles hors mariage a saisi le ministère public pour cesser les poursuites dans le cadre de ces affaires. D'autres actions des auteurs du Manifeste des 490 ont été annoncées aujourd'hui. «Dans le contexte actuel, il est important de mettre fin au tiraillement entre les principes de certaines lois restrictives sur les libertés individuelles et les réalités sociétales qui sont en évolution.» Cette déclaration est de Karima Nadir, membre du Collectif 490, en conférence de presse lundi soir à Casablanca pour présenter les actions de cette nouvelle structure. Dans ce sens, la militante évoque non seulement les relations hors mariage, mais également l'avortement, le consentement entre adultes de même sexe ou de sexe différent. «Nous ne voulons pas déplacer le débat vers un terrain polémique mais donner de la visibilité au nombre de personnes qui bravent ces lois afin de montrer que ce ne sont plus des cas isolés, mais des pratiques sociétales que les lois doivent accompagner par l'abrogation de mesures restrictives», explique Karima Nadir. En présentation d'une plateforme devenue collectif après la signature du manifeste des 490, cette structure se veut désormais «une initiative citoyenne axée sur les libertés individuelles, sans oublier que ces dernières font partie des droits humains, qui est un tout indissécable», nous décrit la membre. Au cœur de ce débat, la voix des acteurs politiques au sein de l'hémicycle reste cependant peu audible. «Nous attendons des réactions des députés mais à un moment, nous allons les saisir nous-mêmes pour les questionner sur la problématique. Quelle que soit l'idéologie des ces élus, leurs actions doivent être représentatives des mutations et des débats que nous visons en société.» Disséquer la vie privée des prérogatives étatiques Membre du collectif, Abdelouahab Rafiki explique que «la problématique est de déconstruire les idées reçues sur la défense des droits humains et leur non-corrélation avec l'ordre religieux, alors que ce paradigme n'existe pas». «Pourquoi la loi se fait le garant des mœurs religieuses uniquement sur les questions liées aux affaires privées des personnes, si elles se donne un pouvoir inquisiteur ?», s'interroge l'ancien détenu dans le cadre des attentats terroristes du 16 mai 2003, qui explique avoir fait aujourd'hui son auto-critique. «Les textes du Code pénal sont plus répressifs que les dispositions religieuses elles-mêmes sur les relations sexuelles hors mariage», ajoute-t-il encore. Avocat au barreau de Rabat et membre du collectif également, Omar Bendjelloun a mis en avant l'urgence que la justice «se concentre sur des affaires prioritaires au lieu de s'immiscer dans le lien social privé, consenti de surcroît, sur la base d'outils obéissant à des normes coloniales et à un héritage archaïque qui doit être aboli». Co-rédactrice du manifeste des 490, Sonia Terrab annonce d'ailleurs avoir adressé deux lettres. La première a été envoyée au procureur général du roi, lui proposant d'adopter une politique pénale qui considère les conventions onusiennes ratifiées par le Maroc et l'essence de la Constitution 2011 en termes de respect des droits humains et de dignité des personnes. La seconde est adressée aux différents médias audiovisuels à travers la HACA, pour consacrer des créneaux réguliers pour accompagner les débats sociétaux autour des libertés individuelles en y impliquant les différents acteurs concernés «On s'indigne chacun son côté sur les réseaux sociaux lorsque des poursuites sont intentées, mais on passe rapidement à autre chose, puis rebelote, ces situations se reproduisent et elle nécessitent de passer à un autre palier au-dessus de la colère et de l'indignation», nous explique Sonia Terrab. Sur la dimension sécuritaire et politique que revêtent des restrictions sur les libertés individuelles, notamment les soupçons de mise sur écoute sans conformité avec les procédures en vigueur dans ce sens, le collectif botte en touche. Dans ce sens, Me Bendjelloun souligne que ce processus doit obéir à un circuit juridique strict régi par la loi et qu'«il n'y pas de plaintes relatives à des abus à ce sujet pour le moment» au Maroc.