A l'occasion du 60e anniversaire de la création des premières entreprises publiques du Maroc post-indépendance, la Fondation Abderrahim Bouabid remet en question le modèle de développement «entre hier et aujourd'hui», fil rouge d'un contrat social qui doit être repensé. L'année 2019 marque les soixante ans de la création d'institutions publiques marocaines, voulues comme un véritable levier de développement économique, après avoir mis en place la souveraineté monétaire par la création du dirham, après la souveraineté politique avec l'indépendance. En effet, la naissance de Bank Al-Maghrib, de la Caisse des dépôts et de gestion (CDG) ou encore de BMCE s'est faite à des périodes rapprochées les unes des autres. Leur création «est étroitement associée à la figure d'Abderrahim Bouabid», a rappelée la fondation éponyme à cette occasion. Une perspective historique pour mieux repenser le développement Afin de marquer cette date, la Fondation Abderrahim Bouabid (FAB) a tenu, vendredi, une rencontre à Rabat pour penser le modèle de développement entre hier et aujourd'hui, pour «faire écho aux interrogations qui parcourent le débat public sur le renouvellement de ce modèle», indiquent les organisateurs à Yabiladi. Ainsi, cette rencontre s'est ouverte avec la lecture du discours de feu Abderrahim Bouabid à l'occasion de la création de la Banque d'Etat du Maroc, en juillet 1959, ainsi que son exposé devant le Conseil supérieur du plan (novembre 1959), qui a énoncé la méthode de préparation du premier modèle de développement du Maroc au lendemain de l'indépendance (1956). Président de la Fondation Abderrahim Bouabid, Mohamed El Achâari est intervenu en expliquant que «dessiner les nouveaux horizons de ce développement et en déterminer les objectifs n'est pas tributaire de chiffres et de perspectives seulement». Selon lui, consulter cette documentation du passé a «un rôle pédagogique et méthodologique qui renseigne sur les préoccupations présentes et futures concernant ces questions, grâce à une toile de fond historique». Il a expliqué que le Maroc, «qui a eu une période de tâtonnement à la fin des années 1950, a ensuite traduit la notion de souveraineté en politiques nationales, afin de réaliser un progrès à même de rétablir la dignité matérielle et humaine du citoyen, quel que soit son niveau de vie et abstraction faite des appartenances sociales». Pour sa part, l'ancien ministre de l'Economie et des finances, Fathallah Oualalou, a souligné dans son intervention «l'importance de garder de ce passé des valeurs nationalistes, progressistes et démocratiques qui ont prouvé leur efficacité», tout en les adaptant au contexte national et mondial actuel pour «redonner sa place à l'Etat dans le développement économique». Le modèle du développement marocain confronté aux limites du monde actuel L'ancien ministre a souligné cependant que «les nationalistes n'ont pas pu atteindre leurs objectifs de renforcement de la coopération régionale, africaine et arabe, freinée actuellement par les changements que connaît le monde» ainsi que les crises de différents ordres (économique, gestion de la migration, instabilités politiques…). «Négocier avec le monde d'aujourd'hui nécessite une réhabilitation politique des institutions afin de gagner en crédibilité. Sans cela, nous ne pourrons pas faire face à ce monde transformé. Nous ne pouvons pas changer notre environnement», a-t-il insisté en soulignant tout l'intérêt de «réinventer un nouveau modèle de développement qui trouve réponse à l'ensemble de ces problématiques. De son côté, Hassan Chami, ancien président de la Confédération générale des entreprises marocaines (CGEM), a déclaré qu'«Abderrahim Bouabid a jeté les bases du modèle de développement du Maroc lors de son mandat de ministre des Finances et de l'économie nationale, trois ans après l'indépendance, en identifiant les secteurs sociaux à améliorer». Il a également souligné que le dialogue entre le mouvement national et le palais royal a aidé le dirigeant à mettre au point un modèle répondant aux attentes de l'époque. Par ailleurs, Hassan Chami a expliqué que soixante ans après les premiers jalons posés pour un service public du développement, l'économie marocaine ne parvient pas actuellement à répondre aux problèmes de développement auxquels elle est confrontée, bien qu'une nationalisation des secteurs clés ait été entreprise depuis le temps. Article modifié le 2019/09/28 à 21h56