Depuis des siècles, les célébrations d'Achoura au Maroc ont été liées aux ambiances festives. Mais l'évolution de cette situation et de la manière de fêter des périodes de l'année hégirienne a mis en avant la problématique d'actes violents, comme l'usage d'explosifs ou de produits dangereux. Au Maroc, l'habitude est de célébrer l'Achoura sans violence. Mais aujourd'hui, il arrive que ces célébrations deviennent violentes et entraînent souvent des dommages, voire des blessures de plusieurs personnes. La période de la fête d'Achoura marque les dix premiers jours du mois de Muharram selon le calendrier hégirien. A l'occasion, les enfants se voient offrir des instruments populaires de percussion, des jouets ou encore des sucreries. Mais à ces usages s'ajoutent des actes violents dans certains quartiers des villes marocaines. En effet, ces derniers veillent en cette période de l'année sous les bruits de pétards ou de petits explosifs. Le jours, certaines personnes s'amusent à asperger d'eau les passants, mais la pratique devient encore plus risquée en cas de recours à l'eau de javel, voir à l'acide. Par conséquent, ces «festivités» peuvent conduire au drame, exposant les enfants au risque de se blesser gravement en manipulant les petites bombes et les moins jeunes à des brûlures ou à des handicaps à cause de l'utilisation de substances corrosives. Une évolution des usages qui remet en question les rôles sociétaux Psycho-sociologue, Mohssine Benzakour explique à Yabiladi qu'à son origine, «la célébration de l'Achoura a été symbolique, mais avec le temps, les concepts ont changé et cette journée est devenue une occasion pour certains de se venger gratuitement à travers des actes de violence, défiant parfois même les autorités». Dans ce sens, l'universitaire déplore que «ces comportements deviennent une source de satisfaction et de fierté, que leurs auteur n'extériorisent qu'à travers de tels actes, sans penser aux conséquences sur les autres». «La référence est passée du socioreligieux au discours violent, ce qui a affecté négativement le comportement des auteurs de ces actions pendant Achoura», souligne-t-il. A travers cette évolution, Mohssine Benzakour explique la crainte de certaines familles marocaines, dans la mesure où des parents «en arrivent à garder leurs enfants à la maison au lieu de les envoyer à l'école en cette période, par peur de se faire blesser». «Ce n'est plus seulement dans la rue, mais dans des établissements scolaires qu'on assiste aussi à ces attitudes qui deviennent tolérées, quel que soit le milieu et le contexte. On y retrouve en partie un besoin de sentir son appartenance à un groupe», nous explique encore Pr. Benzakour. A ce propos, le psycho-sociologue reproche à l'Etat de ne pas prendre des mesures d'accompagnement dans l'organisation relative aux préparatifs et aux célébrations accompagnant des fêtes comme Achoura, qui se confronte à «un véritable phénomène social de violence». «Il s'agit d'organiser les déroulements et protéger les citoyens, mais aussi de mener des campagnes de sensibilisation contre les actes à risque», affirme celui pour qui il est question de responsabilités partagées à plusieurs niveaux, qui arrivent jusqu'au contrôle sur la vente et la distribution de produits dangereux utilisés dans les actes violents. Un changement de valeurs révélateur Pour sa part, l'ancien chercheur au Centre d'études anthropologiques et sociologiques de l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), Hocine Aït Bahcine, souligne que «la célébration d'Achoura au Maroc est festive, comme c'est le cas dans les pays sunnites-malékites, mais avec des différences entre la manière dont cela est fait par les enfants, les femmes ou les hommes de religion, ainsi que les couches populaires et les familles». Selon le chercheur, les célébrations à cette occasion revêtent différentes formes. Il l'explique : «Les fqih s'appuient sur des hadiths et des traditions religieuses. Les femmes profitent de cette période pour se recueillir sur les tombes de leurs proches décédés, d'autres visitent les mausolées ou organisent encore des veillées dans une ambiance de fête, où l'on offre jouets et fruits secs aux enfants. Mais d'autres encore associent cette période à la sorcellerie ou encore à des actes violents». «Avant, ces actes n'étaient pratiquement pas liés à Achoura, mais aujourd'hui, ils représentent un danger pour les personnes, y compris celles qui y recourent, dans certains cas comme l'usage d'explosifs ou de produits corrosifs», constate Hocine Aït Bahcine. Les chercheurs considèrent que cette évolution est révélatrices des orientations de valeurs sociétales communes, qui posent la question des rôles des institutions, «surtout la famille, l'école et les médias qui doivent contribuer à l'éducation de tous».