D'un côté, les Espagnols multiplient leurs efforts pour décrocher un nouvel accord de pêche avec le Maroc, et de l'autre, les Marocains qui doivent faire face à un prix du poisson qui augmente. L'accord de pêche signé entre l'UE et le Maroc a-t-il eu une influence sur ces prix ? Eléments de réponse. C'est un rapport espagnol qui ne va pas plaire aux Européens. Dans ce document, l'antenne du ministère de la pêche en Andalousie a voulu savoir ce qu'avait apporté l'accord signé entre l'Union Européenne et le Maroc aux pêcheurs de cette région. Résultat : entre 2007 à 2011, les professionnels andalous ont empoché près de 22 millions d'euros de plus, grâce aux prises pêchées dans les eaux marocaines, souligne le site d'information espagnol diario de sevilla.es 22 millions d'euros supplémentaires Une somme qui ne fait que, une fois de plus, décrédibiliser l'Union Européenne qui avait refusé de renouveler le protocole considérant qu'il n'avait aucune incidence en termes économiques pour l'UE. «Les 41 embarcations andalouses ayant une licence pour pêcher dans les eaux marocaines, ont réalisé des captures d'une valeur de 52.3 millions d'euros, grâce au poisson marocain. En revanche, la flotte a enregistré des recettes de 31 millions d'euros lors de la période caractérisée par l'absence du pacte», souligne le journal Les Echos Quotidien dans son édition d'aujourd'hui. Ce qui représente une augmentation de 68.9%. Les bateaux qui ont le mieux profité des eaux marocaines sont ceux qui pêchaient la sardine et d'autres espèces de poissons, des prises qui ont augmenté de près de 74%. En plus de ces chiffres de captures, l'accord a permis de créer des emplois en en Andalousie. Au total, 470 postes d'emploi direct ont été créés. Tous ces chiffres expliquent pourquoi l'Espagne cherche absolument à négocier un nouvel accord directement avec le Maroc. D'ailleurs, à moins d'une semaine après la formation du nouveau gouvernement, le Premier ministre Abdelilah Benkirane a fait savoir qu'il allait rencontrer son homologue Mariano Rajoy prochainement au Maroc. Selon ses dires, c'est Mariano Rajoy qui a insisté à le rencontrer par téléphone. La date exacte et l'objet de la rencontre n'ont pas été précisés, néanmoins on devine que la pêche sera au cœur des discussions. La sardine, un produit de luxe On l'avait expliqué dans plusieurs articles sur Yabiladi.com, le non-renouvellement de cet accord de pêche a été une chose extrêmement positive pour les professionnels marocains de la pêche. Ils espèrent désormais profiter pleinement des richesses de leur mer et ne pas brader leur poisson à des étrangers. Alors qu'un kilo de poisson pêché dans les eaux marocaines revenait seulement à 0.5 euros à un pêcheur européen, les Marocains font face actuellement à un problème de poids : le prix du poisson augmente à une vitesse folle. Dans un article récent, datant du 28 décembre dernier, l'un des journalistes de Libération avait fait son marché. Il expliquait que le prix du poisson avait même quadruplé en l'espace de quelques semaines et que la sardine était en voie de devenir un produit de luxe. «Jusqu'au 27 décembre dernier, au marché de gros de la capitale économique, une caisse de 20 kg de sardines coûtait 250 DH contre 50 DH auparavant, celle de maquereaux s'écoulait à 180 DH contre 50 DH, celle des anchois 200 DH contre 50 DH et celle de crevettes 500 DH contre 200 DH.», liste l'auteur. Selon son enquête, le prix d'un kilo de sardines tourne actuellement autour des 13 dirhams. «Avant 2007, le kilo de sardine n'atteignait même pas le dirham !», se rappelle Mohamed Bazine, Membre du Comité National de la pêche côtière, surpris également de la flambée des prix de la sardine. Pourquoi si cher ? Alors à quoi est due cette hausse des prix ? L'entrée en vigueur de l'accord de pêche entre l'UE et le Maroc ou/et son non-renouvellement ont-il eu un quelconque impact sur l'augmentation du prix actuel du poisson et en particulier la sardine ? «Rien n'a été augmenté, c'est l'Union Européenne qui ne voulait plus de cet accord !», explique Hassan Sentissi Idrissi, Président de la Fédération de l'Industrie de la Pêche. «Les prix n'ont pas changé et dépendent d'une grande partie des poissons disponibles dans la mer. On trouve parfois de la sardine en sous-abondance et parfois en surexploitation, cela dépend de la biomasse de la mer», ajoute-t-il. Le terme «biomasse» signifiant le stock de poissons disponibles dans la mer. «A l'heure actuelle, la sardine n'est pas l'activité principale de tous les ports du Maroc. Il faut prendre en compte des problèmes naturels. Actuellement la mer est trop froide pour pêcher la sardine. Il faut attendre les mois d'avril et mai pour commencer à la pêcher et on aura ainsi une baisse des prix» explique de son côté Ahmed Ad-Abdelmalif, vice-président de la Fédération de la profession de la pêche des provinces du sud. La hausse des prix de la sardine et des autres poissons n'est pas seulement liée à la fraîcheur des températures de la mer. «Il y a également le fait que de nombreux chalutiers concentrent leurs efforts actuellement sur le Sud de Dakhla pour pêcher uniquement le grand merlan, ce qui induit la rareté des prises d'autres espèces. Abdelkhalek Jigh, membre de l'Association des professionnels de la pêche côtière à Agadir et au Sud souligne que le poisson passe au moins par quatre intermédiaires ou revendeurs entre le moment où il est déposé sur les étales du marché des poissons d'Agadir ou de Laâyoune et son transport vers Casablanca.» relate Libération. Surexploitation Par contre, la présence des 125 bateaux qui ont pêché durant 4 ans au large des côtes marocaines a représenté un tout autre problème : la surexploitation des stocks halieutiques. «Durant 4 ans, ces bateaux ont pêché beaucoup trop dans l'Atlantique. Ils ne respectaient ni la loi ni les quotas qu'on leur imposait et en plus ils passaient entre les filets des contrôles des autorités», dénonce Ahmed Ad-Abdelmalif. D'ailleurs, en 2005, juste un an avant l'entrée en vigueur de l'accord, une ONG espagnole dénonçait dans un rapport, la surexploitation par les chalutiers espagnols des eaux profondes du Maroc, expliquait l'Economiste en 2005. Un risque que connaissait parfaitement le ministre de la pêche de l'époque mais qui ne l'a pas empêché de signer l'accord avec les européens...