Jamila Aanzi est la première femme néerlando-marocaine à prendre la parole devant l'Assemblée générale des Nations unies sur l'autonomisation des femmes aux Pays-Bas. En 2017, la consultante a été choisie pour représenter les femmes néerlandaises à l'ONU. «Beaucoup de choses peuvent changer en une génération» et Jamila Aanzi est un exemple vivant de ce dicton devenu réalité. Née et élevée à Amsterdam d'un travailleur marocain, qui a immigré aux Pays-Bas pour une vie meilleure, la formatrice et consultante néerlando-marocaine a été en mesure de donner l'exemple aux femmes néerlandaises. Elle a eu une enfance différente de celle des autres enfants maroco-néerlandais nés aux Pays-Bas. «J'ai grandi dans un quartier "assez blanc" et il m'a fallu des années avant de rencontrer d'autres Marocains vivant dans le pays», nous confie-t-elle. Elevée au sein d'une grande famille, avec deux frères et cinq sœurs, Jamila a été inscrit dans une école néerlandaise et avait l'habitude de se rendre tous les week-ends dans une mosquée pour apprendre l'arabe. Entourée que de camarades de classe néerlandais au primaire, elle reconnaît ne pas s'être rendu compte qu'elle était «différente». C'est au lycée qu'elle vit une situation particulière, qui marquera à jamais sa vie d'adulte. «Un enseignant nous a demandé de nommer une profession dans notre réseau. Je me souviens avoir eu du mal à en nommer une, car mes camarades de classe avaient mentionné tous ces emplois comme médecin et avocat (…) A l'époque, mon père ne travaillait pas comme la plupart des autres travailleurs Marocains.» Jamila Aanzi Les points de vue et les rêves de Jamila changeront à ce moment-là, lorsqu'elle comprend qu'elle devait établir un réseau pour ses frères et sœurs afin qu'ils ne vivent pas une situation similaire. Une syndicaliste qui veut autonomiser les femmes Après le lycée, la jeune femme opte pour un programme d'études commerciales et économiques à l'université. Elle se spécialise en banque et en assurance et obtient une maîtrise en communication stratégique et en sciences de l'organisation. «Mon rêve était de négocier des actions à Wall Street, de devenir principalement agent de change ou consultante en gestion pour une grande organisation», nous explique Jamila Aanzi. Mais sa carrière prend une tournure différente après un courriel qu'elle a reçu un jour. «Quelqu'un d'une organisation pour laquelle je me suis portée volontaire m'a envoyé un poste vacant dans un syndicat néerlandais», se rappelle-t-elle. Le poste en question était à la FNV Jong, le département de la jeunesse de la Confédération des syndicats néerlandais. Bien que le poste ne correspondait pas à ce dont elle rêvait, Jamila postule et finit par devenir la vice-présidente de l'organisation. «J'avais peur au début parce que je pensais que personne ne m'engagerait si je travaillais dans un syndicat (…) mais quand j'ai fait des recherches, j'ai découvert que les Pays-Bas avaient un modèle spécial pour les syndicats qui réunit gouvernement, syndicats et employeurs ensemble», indique-t-elle. L'expérience syndicale sera une valeur ajoutée pour sa carrière. Pendant trois ans, elle réussit à acquérir une expertise dans le domaine social. Après son travail à la FNV Jong, Jamila travaille comme consultante indépendante et sera membre active du Parti travailliste néerlandais avant de penser à une autre expérience. Beaucoup de choses peuvent changer en une génération En 2017, après avoir côtoyé des politiciens et des syndicalistes, Jamila Aanzi décide de présenter sa candidature pour devenir la représentante néerlandaise des femmes à l'ONU. «Le thème de l'ONU pour cette année-là portait sur l'autonomisation économique des femmes dans un monde du travail en pleine mutation. En raison de mon expérience au syndicat et dans le marché du travail, j'ai décidé d'utiliser mon expertise pour cela», nous précise la Néerlando-marocaine. «C'était une position unique parce que les Pays-Bas sont le seul pays au monde à nommer une représentante indépendante des femmes», explique la consultante. Après avoir déposé sa candidature, Jamila sera choisie par le Conseil des femmes néerlandaises, une organisation réunissant des groupes de femmes dans tout le pays, avant d'être nommée par le ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas. Sa position était très privilégiée, étant la première femme néerlandaise d'origine marocaine à être nommée à ce poste. Une fois confirmée en tant que représentante des femmes des Pays-Bas, Jamila Aanzi a dû travailler sur son discours devant l'Assemblée générale des Nations unies. Un discours qu'elle a dû accomplir sur la base de ses remarques et de ses entretiens avec différents acteurs sociaux, politiques et économiques du pays. «Je voulais être une voix inclusive, parler au nom des femmes néerlandaises (…) Nous sommes le pays le plus diversifié au monde et je voulais représenter toutes les femmes indépendamment de leur origine et de leur ethnie». Jamila Aanzi En effet, dans son discours à l'ONU, Jamila a plaidé l'émancipation des femmes. «J'ai commencé mon discours par ma propre histoire et comment mon grand-père a envoyé mon père aux Pays-Bas pour chercher une vie meilleure», nous déclare-t-elle avec fierté. Elle a également fait référence à sa position et à la façon dont «le rêve de son père, pour une vie meilleure, aidait ses enfants à obtenir une meilleure éducation et de meilleures perspectives d'emploi aux Pays-Bas». «Je voulais montrer le pouvoir de l'éducation et les opportunités qui peuvent vous faire avancer», a indiqué Jamila. Son discours et son parcours ont constitué une source d'inspiration pour de nombreuses jeunes femmes. Jamila Aanzi explique qu'après la fin de son mandat d'un an en tant que représentante aux Nations Unies, le nombre de femmes qui postulent à ce poste a augmenté de 100% provenant d'horizons divers et variés. Les messages reçus sur les réseaux sociaux ont autant de témoignages en faveur du plaidoyer de la Néerlando-marocaine. Plusieurs jeunes femmes lui ont d'ailleurs indiqué qu'elles aimeraient suivre son exemple. «J'aime le fait que d'autres personnes qui n'y avaient jamais pensé postulent maintenant», nous confie-t-elle. Après son expérience à l'ONU, Jamila Aanzi travaille actuellement sur un thème similaire qui cible les femmes d'Europe de l'Est et de la région MENA. Elle est aujourd'hui consultante indépendante et formatrice sur le thème de «l'autonomisation des femmes» à travers les valeurs de «diversité et d'inclusion». Elle anime également des formations et des ateliers sur le leadership.