Les Pays-Bas interdisent, depuis hier, le port de la burqa et du niqab dans les espaces publics en vertu d'une loi entrée en vigueur le 1er août. Des Marocains établis aux Pays-Bas réagissent, auprès de Yabiladi, sur un texte jugé contraire aux droits de l'Homme, discriminatoire à l'égard des femmes et visant l'islam. Depuis hier, le port du voile intégral, tel que la burqa ou le niqab, est interdit dans les espaces de services publics aux Pays-Bas, conformément à une nouvelle loi votée en juin 2018. Porter des vêtements qui couvrent le visage dans les établissements d'enseignement, les institutions et les bâtiments publics, dans les hôpitaux et dans les transports en commun devient ainsi passible d'une amende de 150 euros. La loi, ayant suscité la réticence auprès de plusieurs services publics, est dénoncée par plusieurs membres de la communauté musulmane des Pays-Bas. Le parti communautaire Nida, «d'inspiration islamique», a même annoncé qu'il règlerait lui-même le montant des éventuelles amendes reçues par ces femmes. La décision, sous les feux des projecteurs de la presse néerlandaise et internationale, ne manque pas de faire réagir les Marocains établis aux Pays-Bas. L'associatif néerlando-maorcain Ahmed Larouz, contacté par Yabiladi ce vendredi, pense qu'il s'agit d'une «décision illogique, discriminatoire et qui ne respecte pas les droits de l'Homme». Il reconnait toutefois que «la démocratie joue un rôle» dans cette affaire, expliquant que «les citoyens, même ceux qui sont contre, restent silencieux». «Nous laissons aux extrémistes de droite la voie pour présenter des textes de ce genre», regrette-t-il. «Il y a des musulmans qui affirment être contre la burqa, mais cette loi n'a rien à voir avec l'opinion personnelle. Nous vivons dans un pays démocratique où les droits des personnes doivent être respectés. Comme nous respectons les femmes qui ne portent pas le voile, nous devons respecter celles qui portent la burqa, d'autant plus que cela est un choix pris par ces femmes. La vraie oppression est de dicter aux femmes ce qu'elles doivent porter.» Ahmed Larouz Le droit de chacun de porter ce qu'il veut Dénonçant l'association faite de l'accoutrement et du terrorisme, l'associatif d'origine marocaine affirme son soutien à ces femmes. «Bien qu'elles représentent un petit groupe, elles ne doivent pas être discriminées», enchaîne-t-il, critiquant des contradictions qui ne servent pas les droits de l'Homme et l'image des Pays-Bas. Et Ahmed Larouz de considérer que l'entrée en vigueur démontrent que les musulmans ont encore «des difficultés au niveau politique et social». «Nous devons renforcer notre participation politique et faire entendre notre voix, au lieu de bouder les élections et ne pas y prendre part», conclut-il. Si le journaliste néerlandais d'origine marocaine Natij Benseddik nous rappelle que «très peu de Marocaines établies aux Pays-Bas portent la burqa», le militant associatif Neérlando-marocain Abdou Menebhi reconnaît que la communauté musulmane reste divisée sur cette question. «Certains considèrent la burqa comme un devoir religieux, d'autres pensent que cela fait partie d'une campagne menée par l'extrême droite qui cible et provoque les musulmans», nous déclare-t-il. «D'un point de vue des droits de l'Homme, les femmes ont le droit de porter ce qu'elles veulent. Pour nous, la solution n'est pas d'interdire mais d'ouvrir un débat et de chercher des solutions, car la question de la burqa crée une polémique non seulement aux Pays-Bas, mais dans le monde entier», ajoute-t-il. «Les positions sont différentes et il existe une sorte d'extrémisme de tous les côtés. Mais nous, en tant qu'associatifs, nous insistons sur le droit de chacun à porter ce qu'il veut et nous sommes contre l'instrumentalisation de cette question par les extrémistes de la droite et certains islamistes radicaux.» Abdou Menebhi Notre interlocuteur ne manque pas de rappeler que même la maire d'Amsterdam, Femke Halsema considère que l'interdiction de la burqa n'est pas une priorité. Un texte qui vise l'islam De son côté, l'historienne et spécialiste de l'immigration marocaine aux Pays-Bas, Nadia Bouras évoque une «loi qui ne peut pas être appliquée car de nombreuses entreprises et institutions néerlandaises refusent de la mettre en œuvre». «L'interdiction de la burqa ne résout aucun problème parce qu'il faut d'abord définir ce problème», nous déclare-t-elle, en considérant que cette interdiction, «proposée par Geert Wilders il y a 14 ans, est enracinée dans l'islamophobie». Décrivant les femmes portant la burqa comme une «minorité déjà confrontée à beaucoup d'islamophobie», l'universitaire d'origine marocaine dit ne pas savoir quel est le but de cette interdiction. Elle met toutefois en garde contre la volonté exprimée par l'extrême droite de «passer à l'étape suivante» après l'approbation de ce texte. «Pour Geert Wilders, ce n'est pas suffisant car il veut interdire l'islam. Il ne s'inquiète pas des droits des femmes mais de la nécessité de libérer l'espace public de tout signe islamique», déclare-t-elle. «C'est aux femmes de choisir de porter ce qu'elles veulent. Je ne pense pas qu'un gouvernement, qui interdit aux femmes de porter ce qu'elles veulent, soit démocratique. Toute cette idée est islamophobe, car ils essaient d'en faire une loi sur la sécurité, mais il s'agit de l'islam.» Nadia Bouras Pour la Néerlandaise d'origine marocaine, ce texte «renforce également la misogynie et la structure patriarcale consistant à dire aux femmes ce qu'elles doivent faire». Et Nadia Bouras de rappeler que «la plupart des femmes qui portent le niqab aux Pays-Bas sont des Néerlandaises converties à l'islam. Vous ne pouvez pas leur dire de retourner dans leur pays car c'est ici leur pays», conclut-elle.