C'est un chiffre qui est en perpétuelle hausse chaque année. Celui du nombre d'expulsés étrangers sans papier du territoire français. Et en 2009, la France a expulsé 29.000 personnes en situation irrégulière. Le nombre d'expulsés marocains sans papier a lui aussi considérablement augmenté ces dernières années. Il a même doublé en l'espace de 4 ans entre 2004 et 2008. En 2004, il y a eu 1575 expulsions marocaines sur 16.000 expulsions au total. En 2008, 3000 marocains sans papier ont été expulsés. Pour en savoir plus, Ali El Baz, Coordinateur de l'Association des Travailleurs Maghrébins de France a répondu à nos questions. Interview. - Yabiladi : Comment expliquer cette hausse du nombre d'expulsés marocains sans papier ces dernières années ? - Ali El Baz : Cette augmentation du nombre d'expulsions en général est le résultat de la politique du chiffre chère à Sarkozy. C'est la pression sur les préfets pour qu'ils réalisent du chiffre. En cela tous les coups sont permis : les contrôles au faciès bien qu'ils soient illégaux, les atteintes aux droits de la personne au mépris des conventions internationales, et c'est le cas quand on sépare les parents et les enfants ou les époux, quand on renvoie une personne dans son pays d'origine alors qu'elle n'y a plus aucune d'attache.... - Quel est le rôle des autorités consulaires marocaines en France face à ces milliers d'expulsions ? Font-elles quelque chose pour aider leurs compatriotes ? - Si le concerné n'est pas en possession d'un passeport marocain, les autorités françaises contactent le consul marocain pour avoir un laissez-passer, document nécessaire pour le refoulement. Là nous constatons un excès de zèle de nos consuls, pour accompagner la politique de Sarkozy en faisant fi des intérêts de nos concitoyens. Les chiffres donnés par le gouvernement français sont éloquents, en 2003 les autorités marocaines ont répondu favorablement à 18% des demandes, 25% en 2004, 41% en 2008, ce qui classe le Maroc comme un pays facilitateur des expulsions. - Ces arrestations de travailleurs marocains sans papier et leur expulsion peuvent constituer une véritable tragédie sociologique... - Vous parlez de tragédie ! C'est ce qui s'est passé par exemple pour Mohammed El Haddaoui, expulsé par le concours du consulat de Colombes fin 2007 alors qu'il vivait en France depuis des années. Ses enfants en bas âge et sa femme sont restés en France et vivent sans père et sans mari ! Nous avions pourtant tout tenté pour convaincre le consulat de Colombes, notre demande a rencontré une fin de non recevoir. Ce n'est qu'après la deuxième occupation du consulat que nous avons été reçus. Le consul n'a pas tenu compte de la situation de ce Monsieur. Depuis le consulat s'est doté de grilles et d'un gardien qui filtre les personnes qui viennent au consulat. Comme d'autres travailleurs expulsés, ce marocain aura cotisé pendant des années, pour la retraite, le chômage... sans pouvoir bénéficier du fruit de ses cotisations ! C'est un pur racket sur les cotisations des travailleurs sans papiers. - Vous, en tant qu'association, que faites-vous aujourd'hui concrètement pour défendre le droit des travailleurs maghrébins en France et surtout que demandez-vous ? - Nous menons notre combat d'association de défense des immigrés avec ou sans papiers sur plusieurs fronts. Sur la question des cotisations nous faisons partie du collectif contre le racket sur les cotisations des travailleurs sans papiers. Nous avons à ce titre mené de nombreuses actions en direction des institutions concernées (ministères, Bureau International du travail BIT...). Nous avons organisé des rassemblements, des manifestations mais nous avons aussi fait des occupations comme l'occupation de la direction des impôts/Paris centre, le mardi 12 janvier 2010. Nous interpellons ambassades des pays d'origine pour les sensibiliser sur les atteintes aux droits que représentent les expulsions, par courrier, par voie de rassemblement... Si nous avons eu une écoute particulièrement attentive de la part des ambassades africaines, cela n'a pas été le cas des autorités marocaines et tunisiennes qui n'ont pas daigné répondre aux sollicitations de notre collectif regroupant plusieurs organisations.