On n'avait plus entendu parler de cette affaire scandaleuse (cf article) depuis plusieurs années et voilà qu'elle refait surface. En effet, l'ancien journaliste belge du «Soir» Philippe Servaty, surnommé par les médias «le Pornographe d'Agadir» repasse devant la justice début février 2012 en Belgique. Le début d'une nouvelle et longue procédure judiciaire qui mettra, peut-être, fin à son impunité. Philippe Servaty comparaitra le 1er février 2012, devant la chambre des mises en accusation pour son inculpation de viol sur mineures de moins de 14 ans, de prostitution de mineures de moins de 16 ans, de diffusion de pédopornographie ainsi que de traitements inhumains, rapporte RTL.be. Tous ces faits s'étant déroulés dans la ville d'Agadir entre 2001 à 2004. Le site d'information belge rappelle que Servaty devait être renvoyé en correctionnelle en juin dernier par la chambre du conseil de Bruxelles mais qu'il avait interjeté l'appel devant la chambre des mises en accusation. Totale impunité L'objectif de cette comparution est de savoir si la justice doit renvoyer l'ancien journaliste économique devant le tribunal correctionnel. L'étau commencerait-il à se refermer tout doucement sur Servaty ? Difficile de répondre. Ce qui est sûr c'est que durant toutes ces dernières années, l'ancien journaliste s'en est sorti impunément. La seule chose négative qui lui soit arrivée est d'avoir perdu son travail au journal Le Soir et d'avoir reçu des menaces de mort. Pour rappel, après avoir longtemps hésité, les autorités marocaines avaient finalement décidé de le poursuivre en justice mais la difficulté était surtout de savoir sur quelle base, car les photos prises par le journaliste ne sont pas considérées comme illégales en Belgique. Par contre, avoir des relations sexuelles avec une mineure, l'outrage aux bonnes mœurs, la traite des êtres humains ou les traitements dégradants, contraires à la dignité humaine sont des crimes et délits punis par la loi en Belgique. Ce sont pour ces mêmes accusations que Philippe Servaty passera devant la chambre des mises en accusation en février. C'est ainsi que depuis 2005 se mène une complexe et interminable bataille juridique et administrative entre le Maroc et la Belgique pour tenter de trouver une bonne raison de le poursuivre. Naissance du «Scandale d'Agadir» Depuis 2001, Philippe Servaty vient régulièrement en vacances au Maroc et apprécie particulièrement la ville d'Agadir. C'est durant ses escales qu'il rencontre plusieurs jeunes filles marocaines essentiellement issues de milieux très pauvres. Selon un article du journal belge Knach, l'homme aurait séduit au total plus de 80 femmes et jeunes filles mineures, toute âgée entre 14 à 40 ans. L'argument qu'il avançait pour séduire ses futures proies était plein de «promesses de mariage et une vie en Europe, parfois aussi avec une petite somme d'argent ou de modestes cadeaux.», écrit le journaliste Bart Schut. Il arrive finalement et sans trop de difficultés à convaincre ses femmes. Après les avoir abordées dans la rue, il les emmène ensuite, l'une après l'autre dans un studio qu'il louait, pour avoir des relations sexuelles avec elles et les photographier dans des postures totalement choquantes, perverses et dégradantes. Ces photos étaient ensuite postées sur internet, sur un site pornographique. Le pseudonyme qu'il utilisait sur ce site était Belguel, une contraction de Belge et de «belle gueule». «Comme bonus accompagnant les photos, Belguel livre ses commentaires personnels, des informations sur les filles mises en scène, et des conseils aux autres membres de la communauté pornographe. Dès ses premières livraisons, le succès est foudroyant. Belguel a une préférence pour les femmes voilées.», relate Karim Boukhari qui avait mené une enquête en Belgique pour Tel Quel sur cette affaire. Le journaliste n'hésite pas à re-citer dans de longs détails extrêmement précis les commentaires laissés par Servaty sur ce site. Circulation du DVD Les photos sont très vite gravées sur des cédéroms et vendus par des commerçants marocains sans scrupules pour une somme de 10 dirhams. Le DVD circule et l'une des jeunes femmes sur les photos est reconnue. Elle décide de déposer plainte en 2005 auprès des autorités judiciaires marocaines qui lui riront au nez : «Ah c'est comme ça et tu viens en plus te plaindre; on t'arrête pour coproduction d'images pornos!!», raconte l'Economiste avant d'ajouter : «Ce n'est pas suffisant pour les fins limiers marocains: ils décident d'arrêter tous ceux et celles qui figurent sur les CD litigieux». Au final, une douzaine de filles seront arrêtées et emprisonnées et les autres prendront la fuite, recherchées par les autorités. Certaines de ses filles ont été dénoncées auprès de la police par des voisines ou des collègues. De son côté, Servaty est reconduit vers la Belgique, libre comme l'air. Les victimes Dans son article, le journaliste belge du journal Knach raconte sa rencontre avec certaines de ses victimes et leur famille. Il décrit également la condamnation publique dont ces filles ont été victimes dans leur quartier. L'une de ces filles rencontrée s'appelle Asma. «Son cas est peut-être bien le plus navrant dans l'affaire Servaty. Elle a passé 4 mois en prison car elle a posé pour le belge avec une amie –mais là elle portait ses vêtements. Elle n'a jamais eu de contacts sexuels avec lui, mais pour la justice marocaine cela ne faisait pas de différence : elle était coupable d'incitation à des relations sexuelles hors mariages», relate-il. «En prison nous avons été traitées de putes par de vraies criminelles, assassins et voleuses mais je n'avais jamais rien fait, raconte Asma indignée.» citée par le journal. Qui est Philippe Servaty ? Dans son article, Karim Boukhari dresse un portrait assez troublant de Philippe Servaty. Marié à une femme d'origine africaine, il est décrit comme étant « tranquille et poli » et comme l'un des journalistes les plus réputés du pays spécialisé en finances et a rédigé de nombreux écrits sur les défis économiques du Tiers-Monde. Selon Tel Quel, il aurait également séduit d'autres jeunes femmes, mais cette fois-ci au Ghana, au Cameroun et en République Dominicaine.