Des entreprises du Canada et des Etats-Unis se sont récemment attirées les foudres du gouvernement norvégien. En cause, les liens commerciaux entre ces entreprises et l'OCP, considérés comme de graves manquements à l'éthique, en raison du conflit sur les provinces du Sahara dont est extrait une importante part de la production de l'office. Cependant, le gouvernement norvégien s'est montré moins soucieux de l'éthique, lorsque l'une de ses entreprises s'est alliée avec … l'OCP pour la conquête d'un juteux marché au brésil. Explications. Début décembre, le Fonds pétrolier norvégien, l'un des plus importants investisseurs de la planète, entreprend des sanctions contre plusieurs entreprises accusées de ne pas respecter des règles d'éthique et de gouvernance. Dans le collimateur du principal fonds souverain norvégien, figurent les Américains de FMC Corporation, spécialisés dans l'industrie chimique, et les Canadiens de Potash Corporation, fabricants d'engrais. D'après l'agence de presse Reuters, le ministère norvégien des Finances a pointé du doigt les deux entreprises pour les liens commerciaux que ces dernières entretiennent avec l'Office chérifien des phosphates (OCP), qui tire une part importante de sa production, à Boucraâ dans le Sahara. Le gouvernement norvégien verrait donc d'un mauvais œil le fait que certains de ses associés utilisent des matières premières tirées d'un territoire en contentieux. Pour Le fonds pétrolier, le fait que FMC et Potash aient collaboré avec l'OCP constitue une «violation sérieuse des normes fondamentales d'éthique». Conséquence directe, le fond souverain norvégien a décidé d'exclure ces entreprises de sa liste d'investissements. Pourtant… Les entreprises norvégiennes ne devraient-elles pas être les premières à observer «des normes fondamentales d'éthique» prêchées par leur gouvernement ? La question mérite d'être posée, alors que Reuters annonçait hier, la conclusion d'un protocole d'association (joint-venture) avec… l'OCP ! Les deux entreprises s'allient pour approvisionner le marché brésilien. Selon les termes de l'accord, l'OCP fournira le phosphate qui sera transformé en engrais et dérivés, par une usine de Yara implantée dans l'Etat du Rio Grande, au sud du Brésil. Il s'agit d'un juteux marché qui devrait permettre à l'OCP d'exporter annuellement 350 000 tonnes de son précieux minerai, contre 50% des bénéfices réalisés sur la production d'engrais. Les termes de l'accord prévoient également que l'OCP approvisionne les usines européennes de Yara en matière première. Jørgen Ole Haslestad, PDG de Yara, n'a pas caché sa satisfaction à la signature de l'accord. «Nous sommes heureux d'annoncer cette coopération avec l'OCP (…) le Brésil est un marché agricole en plein essor, où nous allons créer avec l'OCP, une forte plateforme pour soutenir cette croissance (…)», a-t-il déclaré en substance. Outre le fait que Yara soit une entreprise norvégienne, il est encore plus intéressant de noter que le principal actionnaire n'est autre que … l'Etat norvégien lui-même. En effet, le ministère du Commerce et de l'industrie en détient 32,6% du capital. En résumé, l'une de ses entreprises produira et commercialisera des engrais produits à partir d'une matière première venue du Sahara. Les règles d'éthique si chères au gouvernement amèneront-elles donc le gouvernement à abandonner ses parts dans Yara et à la déclarer indigne d'appartenir au tissu industriel norvégien ? L'éthique poussera-t-il Yara à renoncer à un si juteux partenariat qui lui permet d'assurer son approvisionnement en matières premières sur le long terme avec l'un des leaders du marché mondial ? Ou tout simplement, la logique du business prendra-t-elle le dessus sur une énigme politique compliquée à dénouer ?