Chaque 1er mai, la classe ouvrière fait le bilan de ce qui a été accompli ou non de ses revendications durant l'année. Au Maroc, cette journée intervient après la signature d'un nouvel accord entre le gouvernement et trois centrales syndicales, en plus de la CGEM. La Confédération démocratique du travail (CDT), elle, a boycotté l'accord. Coordinatrice du groupe parlementaire de la CDT à la Chambre des conseillers et membre du bureau exécutif du syndicat, Touria Lahrach revient auprès de Yabiladi sur le récent accord social signé par trois centrales avec le gouvernement marocain. Elle évoque également le déclin observé des syndicats auprès des travailleurs, à la veille de la Fête du travail qui est célébrée cette année sur fond de fronde sociale dans les secteurs sociaux clés, tels que l'éducation et la santé. Ce 1er mai intervient quelques jours après le rejet par la CDT de l'accord social signé par d'autres syndicats. Quels sont les raisons de votre refus ? Nous célébrons ce 1er mai et nous nous préparons à cette Journée internationale des travailleuses et des travailleurs, qui se déroule cette année dans la tristesse et le deuil, après l'accident survenu ce matin sur la route d'Agadir au niveau d'Anza, tuant des ouvrières dans un drame qui n'est plus aujourd'hui un cas isolé. Au sein de la Confédération démocratique du travail, nous espérions que l'accord social soit celui d'un véritable pacte constructif après des années de vide, d'absence d'augmentation de salaires, parallèlement à la hausse du coût de la vie. Bien entendu, nous sommes pour le dialogue et pour les accords, mais à condition que ces derniers permettent de consacrer une paix sociale réelle. Nous ne pensons pas que ce soit le cas pour l'accord tout récemment signé, car un grand nombre de points sont restés en suspens et une série de revendications reste bloquée. Forcément, les gens sortiront dans les rues pour exprimer tout cela. Dans ce sens, le 1er mai est justement une occasion pour réitérer nos revendications, les faire entendre et présenter un bilan des actions de notre syndicat, mais aussi de celles du gouvernement marocain et de ce qu'il a proposé à la classe ouvrière. Votre participation au défilé du 1er mai en tant que CDT revêtira un aspect particulier cette année... Le 1er mai est une fête des travailleurs. La manière de la célébrer d'une année à l'autre est tributaire des réalisations qui ont été faites pour ces ouvriers et les résultats obtenus dans ce sens. Lorsque des exigences sont donc remplies, les méthodes de célébration sont différentes du contexte où ce sont les injustices qui priment, comme c'est le cas actuellement. Nous organisons donc nos festivités pour exprimer nos revendications qui n'ont pas encore obtenu réponse. Cette fête ne doit pas être oubliée car elle représente toutes les luttes et tous les sacrifices des ouvriers du monde à travers notre histoire. Il ne faut cesser de le rappeler et de continuer à donner de la visibilité à ces travailleurs, producteurs de valeur ajoutée et contributeurs principaux au développement de notre pays. C'est aussi un rappel au gouvernement des droits du travail qu'il faut faire respecter et nous espérons qu'il sera à l'écoute. Des manifestations récentes ont émergé des coordinations désireuses de dialoguer avec les autorités compétentes, au lieu de passer par les syndicats. Pensez-vous que le rôle de ces derniers a diminué ? Malheureusement, en l'absence de médiateurs, il est difficile d'encadrer l'ensemble des revendications sociales. Certains gouvernements passés ont commencé à négocier directement avec des coordinations, donnant ainsi le feu vert pour casser les dynamiques organisée par les syndicats. C'est à partir de là que la porte a été ouverte au dialogue social avec ces organisations. L'action syndicale en a donc été impactée et cela peut être mesuré par la marge de liberté donné aux syndicats. Il faut dire que la question de la liberté d'expression dans ce sens est problématique. Sous le gouvernement actuel, nous avons assisté à des procès d'ouvriers et de dirigeants syndicalistes pour les pousser à revenir sur leurs prises de position. Ce que nous redoutons au sein de l'action syndicale, c'est que ces coordinations tombent dans des expressions sociales populistes qui les détourneraient de l'essentiel de leurs combats. L'expression des revendications est quelque chose de central pour nous, mais qui doit être bien fondé sur un ensemble de règles de dialogue. Lorsque ces démarches ne sont pas organisées, le risque est de tomber dans des situations plus complexes, comme ce qui se passe actuellement en France avec les gilets jaunes.