Samedi, les cinq principales centrales syndicales de l'enseignement participent à une marche nationale de la Coordination des enseignants contractuels à Rabat. En plus de contester une situation de crise qui persiste, ils accusent le ministère de tutelle d'induire en erreur l'opinion publique. Le 23 mars devant le siège du ministère de l'Education nationale, de la formation professionnelle, de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, cinq centrales syndicales en plus de la Coordination nationale des enseignants contractuels se rassembleront pour une marche qui débutera à 17h contre le recrutement par contrats. La marche se tient à la veille d'une autre de la Coalition marocaine pour la défense de l'enseignement public, dimanche 24 mars à dix heures au même lieu. Elle est aussi prévue après la grève nationale des 13 et 14 mars, les prochaines étant attendues pour les 26, 27 et 28 de ce mois. Cette mobilisation des enseignants continue après que les Académies régionales de l'éducation et de la formation (AREF) ont menacé de considérer l'absence des grévistes comme un abandon de poste, ainsi que la prise de mesures pour un «recul sur le système de recrutement par contrat» au sein des académies. Les AREF dos-à-dos avec les enseignants «En réponse aux mesures des AREF sur l'envoi d'avertissements, il faut rappeler que les dispositions légales sur lesquelles elles s'appuient s'appliquent aux fonctionnaires publics, alors qu'elles nous considèrent comme recrutés par contrats», souligne auprès de Yabiladi Khadija El Bekkaï, membre du conseil national de la Coordination des enseignants contractuels. Autre incohérence selon l'enseignante : les grèves sont à la troisième semaine, sans que les participants n'aient reçu dans les délais prévus par la loi un avis pour regagner leurs postes. «En cas d'"absence non justifiée", une requête administrative est envoyée à l'intéressé au bout de 48 heures dans les villes et 72h dans les villages ; depuis le début de la mobilisation, les directeurs envoient quotidiennement leurs rapports avec le taux d'enseignants grévistes. Où étaient les AREF pendant ce temps et lorsque nous nous sommes mobilisés les premières fois sans interruption de travail ?», s'interroge notre interlocutrice. Celle-ci précise par ailleurs que «des dispositions légales interdisent de pénaliser les grévistes, de même que l'employeur ne doit ni faire barrage à ce droit constitutionnel, ni remplacer les participants par d'autres travailleurs» le temps de la grève. De ce fait, Khadija El Bekkaï considère que «les AREF exercent plusieurs violations, d'autant plus qu'elles ont confié les classes des grévistes à d'autres professeurs». «Avant tout cela, nous avons travaillé en portant des brassards, fait des grèves de courte durée et espacées, mais le ministère a fait la sourde oreille jusqu'au bout, nous poussant à mener des grèves répétées et des marches nocturnes dans plusieurs villes.» Khadija El Bekkaï Dans la foulée, les autorités sont entrées en ligne pour rétablir le dialogue au niveau régional. Selon Khadija El Bekkaï, «les gouverneurs de chaque région ont voulu se réunir avec les enseignants, qui ont été contactés individuellement par des responsables locaux». Pour elle, «il est impossible de participer à ces formes de rencontres car le dialogue doit se faire collectivement». «S'ils veulent véritablement discuter, ils peuvent contacter les centrales syndicales qui nous soutiennent, en présence de nos représentants, puisqu'ils considèrent que nous n'avons pas de statut légal en tant que coordination», martelle l'enseignante. Les AREF n'échappent pas au recrutement par contrats Parallèlement aux mesures contre les enseignants grévistes, le ministère de tutelle a annoncé l'adoption de 14 amendements à traves lesquels il dit faire revenir sur le recrutement par contrat au sein des AREF. Secrétaire général du Syndicat national de l'enseignement au sein de la Confédération démocratique du travail (CDT), Abdelghani Raki nous affirme qu'il ne s'agit pas d'un dénouement. «Notre principale demande n'est pas ces amendements, mais l'intégration à la fonction publique avec un statut administratif définitif et similaire entre enseignants et corps administratif», précise-t-il. «L'analogie proposée au sein des AREF ne peut se faire à travers des amendements partiels qui n'intègrent pas les concernés au régime public de l'Education nationale», détaille le syndicaliste. «Le ministère a lui-même touché les limites de cette mesure qui, par exemple, ne s'étend pas au régime des retraites, surtout que le Régime collectif d'allocation de retraite (RCAR) lèse les employés dans leur ancienneté et donc dans leur pension, contrairement au système de la Caisse marocaine des retraites (CMR).» Abdelghani Raki Pour le secrétaire général de la Fédération nationale de l'enseignement (FNE), Abderrazzak Idrissi, ces mesures «ont été validées du jour au lendemain en urgence par les conseils administratifs des 12 académies». «Depuis 2015, date d'élections permettant aux syndicats de représenter le personnel au sein de ces conseils et que les cinq centrales ont boycotté pour contester les propositions du gouvernement, nous ne sommes pas représentés, contrairement aux dispositions de la loi. Nous considérons donc ces conseils comme illégaux», soutient-il. Abderrazzak Idrissi ajoute que «le ministère et le gouvernement veulent adopter ces mesures pour entériner le principe de la flexibilité dans le travail ; en d'autres termes, l'employeur aura plus de facilités pour limoger l'employé légalement». «Cela fait partie de la réforme de l'Education, qui recommande par exemple la pluralité de recrutements des fonctionnaires et des enseignants, à savoir des contractuels, ou même des employés provisoires par l'intermédiaire d'agence de recrutement», ajoute encore le syndicaliste. De ce fait, les centrales alertent sur «un virage général vers une politique de travail à l'heure et donc à une précarisation accrue» au sein de l'Education nationale.