Alors que Lahcen Daoudi annonçait début février que le plafonnement des marges des distributeurs interviendrait «entre fin février et mi-mars», le Conseil de la concurrence vient de rendre son avis, pointant du doigt une mesure «discriminatoire» qui ne permettra pas de «préserver le pouvoir d'achat» des Marocains. La Conseil de la concurrence a rendu, jeudi 14 février, son avis relatif à la demande du gouvernement concernant le projet de plafonnement des marges bénéficiaires des carburants liquides. «Le conseil, en tant qu'autorité de régulation et non de réglementation, n'a pas pour mission de définir le niveau optimal des prix et marges maximales à tenir sur le marché des carburants», lit-on dans l'avis, consulté ce vendredi par Yabiladi. L'instance rappelle que «cette attribution relève de la seule responsabilité du gouvernement» et dit aussi qu'il statuera, lors de sa prochaine session, sur «l'existence d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles dans ce marché». Une mesure «discriminatoire» qui ne va pas changer la réalité des prix Dans son avis sur l'examen de la légalité et l'opportunité du plafonnement des marges bénéficiaires des carburants liquides par le Gouvernement conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi 104.12 relative à la liberté des prix et de la concurrence, le Conseil de la concurrence considère que ce plafonnement «ne sera pas suffisant et judicieux d'un point de vue économique, concurrentiel et en termes de justice sociale pour plusieurs raisons». «Agir uniquement sur les marges des distributeurs de gros et de détail ne va pas changer la réalité des prix, et corrélativement ne conduira pas à protéger le consommateur et à préserver son pouvoir d'achat. De ce fait, selon le Conseil de la concurrence, la véritable question n'est pas de plafonner les marges, mais d'identifier les mesures compensatoires et les actions d'accompagnement en direction des acteurs de la filière, des segments du marché, des secteurs d'activité et des catégories de la population qui seront les plus touchées par les hausses imprévisibles des cours mondiaux du baril du pétrole et des produits raffinés.» Avis du Conseil de la concurrence Pour le conseil de Driss Guerraoui, le plafonnement serait «une mesure discriminatoire qui s'applique indistinctement à tous les opérateurs, quelque soient leurs tailles et la structure de leurs coûts, ce qui comporte un risque réel de pénaliser les opérateurs de petites et de moyennes tailles qui verront leur vulnérabilité s'accroître». La même source dit constater un «marché souffrant de plusieurs dysfonctionnements de nature structurelle, auxquels les réponses conjoncturelles ne peuvent avoir que des effets limités». Une libéralisation du secteur «mal préparée» L'avis évoque également la libéralisation des prix des carburants, considérant qu'elle a été «menée sans tenir compte de plusieurs éléments de contexte national qui auraient dû alerter le gouvernement sur l'opportunité de son entrée en vigueur et les modalités de sa mise en œuvre». Il rappelle que «le gouvernement a pris le risque de libéraliser totalement des prix des carburants sachant au préalable que le marché allait être privé du seul raffineur national qui jouait un rôle essentiel au niveau du maintien des équilibres concurrentiels, de l'approvisionnement du marché et du stockage», la Samir en l'occurrence. De plus, ajoute le conseil, l'exécutif a procédé à cette libéralisation «sans agir au préalable sur les composantes fondamentales de l'écosystème concurrentiel». Carburants : Daoudi annonce une date pour le plafonnement à l'insu des pétroliers ? Enfin, le Conseil de la concurrence recommande, entre autres, de «développer la concurrence sur le segment amont du marché», de «renforcer les capacités nationales de stockage», de «stimuler la concurrence sur le marché de la distribution au détail» ou encore de mettre en place un «dispositif innovant de régulation sectorielle». Il recommande à cet égard d'attribuer la régulation technique et économique du secteur à l'Autorité nationale de régulation de l'énergie. Cet avis, très attendu, intervient alors que le ministre chargé des Affaires général et de la gouvernance a annoncé, début février que «le mécanisme de plafonnement [des prix des carburants, ndlr] approche» et que cela interviendrait «entre fin février et mi-mars». Une déclaration ayant surpris plus d'un, puisqu'il avait affirmé attendre l'avis du Conseil de la concurrence alors que les pétroliers du royaume ont affirmé ne pas être au courant de ce plafonnement.