Malgré l'avis contraire du Conseil de la concurrence, le ministre des Affaires générales est déterminé à appliquer le plafonnement des marges. Selon lui, les entreprises concernées commencent à accepter le principe du plafonnement.
A quoi bon solliciter l'avis d'une instance constitutionnelle, si avant même de connaître sa réponse, la décision est déjà prise? C'est la question que l'on se pose lorsque l'on voit l'attitude de Lahcen Daoudi dans l'affaire du plafonnement des marges des distributeurs de carburants liquides. Le ministre des Affaires générales et de la Gouvernance, qui a lui-même sollicité l'avis du Conseil de la concurrence (CC) à propos de la pertinence d'une telle mesure, affirmait déjà dans nos colonnes, que quelle que soit la réponse du Conseil, le plafonnement allait s'appliquer, et le plus tôt sera le mieux. «C'est une question de crédibilité auprès des citoyens», aime-t-il à répéter pour justifier son entêtement. Sans surprise donc, L. Daoudi va passer outre l'avis du Conseil de la concurrence rendu public vendredi dernier. Pourtant, l'instance présidée par Driss Guerraoui s'est montrée plutôt convaincante dans son argumentaire, expliquant qu'un plafonnement des marges des distributeurs ne serait ni approprié ni judicieux, du point de vue économique et concurrentiel et en termes de justice sociale. Une telle mesure serait également discriminatoire, puisqu'elle risquerait de pénaliser les petits opérateurs. «Le marché souffre de dysfonctionnements de nature structurelle auxquels les réponses conjoncturelles ne peuvent avoir que des effets limités», ont souligné les membres du Conseil. «Agir uniquement sur les marges des distributeurs de gros et de détail ne va pas changer la réalité des prix, et corrélativement ne conduira pas à protéger le consommateur et à préserver son pouvoir d'achat», ont-ils estimé. Le Conseil préconise plutôt de développer la concurrence sur le segment amont du marché, renforcer les capacités nationales de stockage, ou encore de soumettre le marché à un dispositif innovant de régulation sectorielle.
Négociations Pas de quoi faire plier le ministre des Affaires générales, qui s'est aussitôt empressé, juste après la conférence de presse du CC, de réaffirmer sa détermination à plafonner les marges. Il a par ailleurs attaqué le CC sur la forme, accusant ce dernier de relents politiques. Ce mardi, Lahcen Daoudi a tenu une réunion entre son département et les sociétés pétrolières. Dans une déclaration au média de son parti, pjd.ma, il a indiqué qu'un accord avec les pétroliers est possible. Bien que les négociations soient difficiles, le ministre affirme que «ces entreprises commencent à accepter le principe de plafonnement des marges». Selon Daoudi, l'idée derrière ces négociations est de parvenir à une solution qui fasse consensus, et qui soit applicable au-delà d'une période de 6 mois. «Tout le monde sera gagnant, les sociétés concernées et les consommateurs», a-t-il déclaré, ajoutant qu'il «est hors de question de laisser les sociétés faire ce qu'elles veulent au détriment du consommateur». Et de conclure, mettant les compagnies pétrolières devant le fait accompli : «consensus ou pas, le gouvernement est prêt et déterminé à appliquer le plafonnement». ◆