Le plafonnement des prix et des marges bénéficiaires des carburants liquides est un choix qui "ne sera pas suffisant et judicieux d'un point de vue vue économique et concurrentiel et en termes de justice sociale", estime le Conseil de la Concurrence. Le Conseil, qui a rendu vendredi son avis concernant la réglementation des prix des carburants liquides, considère que le plafonnement des prix est une mesure conjoncturelle limitée dans le temps par la loi, ajoutant que cette durée, bien que limitée, est appelée à connaître, comme c'est toujours le cas sur le marché des hydrocarbures, des changements fréquents du fait des fluctuations imprévisibles et non maîtrisées des cours mondiaux sur lesquels le gouvernement n'a aucune prise. Selon l'avis présenté en conférence de presse par le président du Conseil, Driss Guerraoui, le fait d'agir uniquement sur les marges des distributeurs de gros et de détail ne va pas changer la réalité des prix et corrélativement ne conduira pas à protéger le consommateur et à préserver son pouvoir d'achat. De ce fait, selon le Conseil de la Concurrence, la véritable question n'est pas de plafonner les marges, mais d'identifier les mesures compensatoires et les actions d'accompagnement en direction des acteurs de la filière, des segments du marché, des secteurs d'activité et des catégories de la population qui seront les plus touchées par les hausses imprévisibles des cours mondiaux du baril du pétrole et des produits raffinés. Le conseil estime, en outre, que le plafonnement est également une mesure discriminatoire qui s'applique indistinctement à tous les opérateurs, quelles que soient leurs tailles et la structure de leurs coûts, ce qui comporte un risque réel de pénaliser les opérateurs de petites et de moyennes tailles qui verront leur vulnérabilité s'accroître. Ce faisant, poursuit le Conseil, le plafonnement des prix et des marges donne un mauvais signal au marché et perturbe la visibilité de tous les opérateurs du secteur. De plus, cette mesure a déjà été expérimentée entre décembre 2014 et décembre 2015 et n'a pas donné les résultats escomptés, puisque les opérateurs s'alignent généralement sur les prix maximum fixés sans fournir d'efforts en termes de baisses des prix, le prix maximum se transformant de facto en prix minimum, d'après l'avis rendu suite à la demande formulée par le ministre délégué auprès du chef du gouvernement chargé des Affaires générales et de la gouvernance concernant la réglementation des prix des carburants. Le Conseil considère ainsi que le marché souffre de plusieurs dysfonctionnements de nature structurelle auxquels les réponses conjoncturelles ne peuvent avoir que des effets limités, rappelant qu'il a fondé ses constats sur son analyse des conditions de la mise en œuvre de la libéralisation totale des prix des carburants entrée en vigueur en décembre 2015. En ce qui concerne la libéralisation des prix, le Conseil de la Concurrence estime que ce processus a été mené sans tenir compte de plusieurs éléments de contexte national qui auraient dû alerter le gouvernement sur l'opportunité de son entrée en vigueur et les modalités de sa mise en œuvre. Le gouvernement a pris le risque de libéraliser totalement les prix des carburants sachant au préalable que le marché allait être privé du seul raffineur national qui jouait un rôle essentiel au niveau du maintien des équilibres concurrentiels, de l'approvisionnement du marché et du stockage, a souligné le Conseil dans son avis adopté lors de la première session ordinaire de la Formation plénière du Conseil tenue jeudi. Pour le Conseil, la décision a été prise aussi dans un contexte de vide institutionnel marqué par l'absence du Conseil de la Concurrence, dont les missions de régulation concurrentielle des marchés, renforcées par ses nouveaux pouvoirs d'instruction et d'enquête, assortis de sanctions opposables auraient contribué à renforcer le contrôle constitutionnel indépendant et neutre des comportements des acteurs qui enfreignent aux règles d'une concurrence libre et loyale sur ce marché. Il estime également que le gouvernement a procédé à la libéralisation sans agir au préalable sur les composantes fondamentales de l'écosystème concurrentiel à savoir l'existence de fortes barrières à l'entrée en amont et en aval du marché, l'existence d'un niveau de concentration élevé, et d'une structure monopolistique sur certains marchés et oligopolistique sur d'autres. Le gouvernement a pris la décision de la libéralisation totale des prix des carburants sans mettre en place des mesures d'accompagnement pour protéger les consommateurs et les segments les plus vulnérables du marché, poursuit le Conseil, rappelant que la Cour des Comptes avait recommandé au gouvernement de maintenir le contrôle des prix en cas de restructuration de la Caisse de compensation. Et de noter que le Conseil de la Concurrence, en tant qu'autorité de régulation et non de réglementation, n'a pas pour mission de définir le niveau optimal des prix et marges maximales à retenir sur le marché des carburants, ajoutant que cette attribution relève de la seule responsabilité du gouvernement. De ce fait, le Conseil ne va pas statuer, dans le cadre de cette demande d'avis, sur l'existence d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles dans ce marché. Cette question fait l'objet d'une instruction en cours d'examen et sur laquelle statuera le Conseil lors de sa prochaine session, a-t-il précisé. Par conséquent, l'avis du Conseil de la Concurrence porte sur l'examen de la légalité et l'opportunité du plafonnement des marges bénéficiaires des carburants liquides, par le gouvernement conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi 104.12 relative à la liberté des prix et de la concurrence. En ce qui est trait à la légalité de la demande d'avis, le Conseil fait savoir que son avis a été adopté conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi 104.12 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Celui-ci conditionne la prise de mesures temporaires visant à soustraire provisoirement un produit ou un service à la liberté des prix, à deux conditions cumulatives que sont la survenance d'une hausse ou baisse excessive de prix et sa motivation par des circonstances exceptionnelles, une calamité publique et une situation manifestement anormale du marché dans le secteur déterminé. Aussi, après une analyse approfondie et un examen détaillé des conditions de la légalité du projet de plafonnement des prix et des marges bénéficiaires des carburants liquides, le Conseil considère que la demande d'avis du Gouvernement ne remplit pas les conditions légales requises.