Saâdeddine El Othmani aurait réussi la prouesse d'unir les grands syndicats contre lui. Tous ont claqué la porte du dialogue social. L'échec du chef du gouvernement sur un dossier extrêmement sensible pour la stabilité du pays aurait contraint le ministère de l'Intérieur à reprendre les choses en main. Le ministère de l'Intérieur effectue un retour en force sur le dossier des rounds du dialogue social. Le département d'Abdelouafi Laftite ambitionne de relancer un processus en panne depuis plusieurs mois. Ainsi, il a pris l'initiative d'adresser des invitations aux centrales syndicales les plus représentatives (UMT, CDT, UNTM et UGTM) à une nouvelle réunion pour le mercredi 9 janvier. Cette intervention de l'Intérieur dans un domaine réservé, en principe, à la présidence du gouvernement, sonne comme un sérieux revers à la gestion de Saâdeddine El Othmani des revendications des syndicats. Une gestion décriée par les quatre centrales qui ont annoncé leur retrait du dialogue social. Même l'UNTM, pourtant le bras syndical du PJD, a fini par se joindre aux autres syndicats. Un contexte social tendu Face à cet échec du chef de l'exécutif, le ministère de l'Intérieur semble reprendre les choses en main. Le contexte social n'est guère propice à jouer la montre sur une question si sensible pour la stabilité du royaume et qui ne nécessite pas une approche arithmétique. Cette intervention n'est pas une surprise. Elle est bien ancrée dans le système politique au Maroc et peut être considérée comme sa «marque déposée». Ainsi, en mai 2010, une communication téléphonique entre l'ancien ministre de l'Intérieur, Taïeb Cherkaoui et l'ex-secrétaire général de la CDT, Noubir Amaoui, avait fini par convaincre ce dernier de reporter sine die des marches de protestations que le syndicat comptait organiser dans plusieurs villes. En juin 2014, le département de l'Intérieur avait persuadé le bureau de l'Association professionnelle des distributeurs de gaz de reporter à une date ultérieure une grève de trois jours. Dans ces deux exemples, les interventions du ministère de souveraineté faisaient suite au constat d'échec des autres départements ministériels concernés à parvenir à des accords avec les centrales syndicales. Même en 2011, soit en plein «Printemps arabe», la hausse de 600 dirhams des salaires des fonctionnaires n'était pas une initiative propre au gouvernement d'Abbas El Fassi. Aujourd'hui, huit ans après cette augmentation, le contexte social n'a pas réellement évolué, comme le constatent les centrales syndicales. Illustrée par les différents sit-in et mobilisations des derniers mois, la colère sociale est bien visible.