Malgré mes préoccupations pour le voyage pour le Yémen, j'ai répondu à une invitation aux étudiants de médecine d'Oujda, dans l'oriental marocain. Les jeunes sont les plus intéressés par la passion dans le métier et la réussite autrement que par le gain matériel. Mon intervention devait retracer mon parcours personnel dans l'humanitaire et je devais animer deux autres ateliers sur le secourisme et l'obstétrique d'urgence. Quand je suis arrivé, on m'a fait comprendre qu'il y avait également des étudiants de l'école de commerce et même de l'école d'ingénieurs. Et en voyant le panel des invités, il n'y avait pas seulement des médecins qui ont chacun réussi ou se sont fait connaître par une valeur ajoutée quelconque, mais également des professeurs d'autres universités et des blogueurs ou influenceurs sur les réseaux sociaux. J'ai demandé à Iman, étudiante en 4ème année de médecine et organisatrice en chef, le pourquoi de l'événement et surtout le but recherché. - J'ai remarqué que la plupart des jeunes étudiants perdent de plus en plus la foi dans l'avenir et le pays, ils sentent qu'il n'y a pas de perspectives et deviennent par conséquent blasés ou déprimés, m'a dit Iman de sa voix douce et légèrement éteinte. - A ce point, lui ai-je répondu sur un ton interrogatif, et vous êtes les plus chanceux du pays ! - Effectivement docteur, à ce point. C'est pour cela que j'ai réfléchi avec des amis et on s'est dit qu'on devait organiser un événement sur la passion et le savoir être. Et on a pensé à inviter des personnes afin de créer l'émolument… Ces paroles m'ont surpris et intéressé. J'ai assisté dès le début aux différentes présentations de personnes qui ont pu réussir dans un climat difficile et un pays qui croule sous les passe-droits. Et d'autres qui avaient une passion. C'était des success stories. J'ai décidé, après avoir présenté un petit clip apparu sur une chaîne de télévision présentant mon travail, de raconter le combat humanitaire dans le monde de Médecins sans frontières, tout en leur indiquant que le Maroc nécessite plus. Par devoir, pas par charité. J'ai voulu que les jeunes médecins et ingénieurs en herbes s'identifient à ceux qui font le changement et deviennent par conséquent acteurs. Puisque chacun d'eux possède les grains de réussite individuelle et que je souhaite qu'elle devienne collective. A la fin j'ai eu une marée de jeunes autour de moi et leur pluie de questions et de selfies. Et parmi tous ses étudiants, un jeune m'approche et me dit : - Vous savez docteur, il y a quelques années je vous ai vu à la télévision lors de la guerre de Gaza. A l'époque j'étais lycéen et c'est à ce moment-là que j'ai décidé de devenir médecin, et me voilà désormais en deuxième année. Je n'aurais jamais pensé vous rencontrer. Puis-je prendre une photo avec vous ? Ceci m'a fait un grand effet, je l'ai pris dans mes bras bien qu'il soit beaucoup plus grand de taille et ses amis nous ont bombardés de photos. Le lendemain, après mon atelier sur le secourisme et les soins d'urgence, une jeune fille élégante et élancée vient me voir tout sourire et me dit : - Docteur, vous savez, vous êtes mon inspiration ! - Comment ça ? - Je suis en cinquième année, et à chaque fois que je déprime à cause de la charge des études, je vais sur votre page Facebook et ça me remplit de courage. Alors je continue de plus belle. En entendant de tels propos, je me suis rendu compte que la magie opérait et continue d'opérer au-delà de mes espérances. Il suffit de faire les choses avec le cœur et la passion. Être dans la véracité des paroles et des gestes, le reste ce n'est plus notre affaire… Ça suit son cours.