Des dessins, de la dentelle et des bouts de tissu attachés à des fils avec des pinces à linge, une machine à coudre, des livres sur le stylisme, des vêtements et des accessoires par-ci par-là. L'atelier, sis au quartier CIL, à Casablanca, parle pour sa propriétaire. Ghitta Laskrouif s'est faite connaître en se spécialisant dans la couture de «récupération» car, pour cette jeune styliste, dans le vêtement tout est bon. Ghitta Laskrouif confie ses difficultés, son inspiration et ses projets. Des robes surmontées de cuillères en cascade, d'autres rehaussées de pailles ou encore des chemises d'hommes transformées en robes ultra féminines. Ghitta Laskrouif, styliste à Casablanca, a fait de la récup' sa marque de fabrique. Des vieilles montres aux montures usées de lunettes en passant par de la laine récupérée dans de vieux pulls, Ghitta offre une deuxième chance aux objets «morts». «L'objet en lui-même n'a peut être pas de valeur, mais recyclé on peut lui donner une seconde vie.» Les habits de seconde main que ses clients lui ramènent ou qu'elle achète elle-même, la jeune femme les détourne à coup de ciseaux, de perlages, de broderies et de superpositions. Elle les retourne dans tous les sens avec sa machine à coudre pour en faire des pièces uniques. Si Ghitta est ce qu'on appelle une «styliste de récupération» par excellence, ses robes sont loin d'avoir l'allure d'habits baba cool. L'habileté de Ghitta à mélanger les genres et les matières donne des pièces aux finitions tranchées et aux volants lourds et vaporeux. «Les tenues extravagantes restent limitées au podium» La voix douce et le geste mesurés, Ghitta contraste avec la démesure de ses créations qu'elle décrit elle-même comme «osées» et que «les Marocains aiment mais n'ont pas le courage de porter». Ce que Ghitta comprend tout à fait : «au Maroc, on n'a pas d'évènements, de festivals, de soirées où l'on peut porter des choses extravagantes, explique-telle. Quand je réalise des tenues excentriques, elles restent limitées au podium.» Les clients de Ghitta sont des particuliers qui ont vu ses travaux sur des réseaux sociaux tels que Facebook ou à la fashion week casablancaise à laquelle elle a participé en juin, pour la deuxième année consécutive. «Les clients ont parfois des visions très classiques. C'est pour ça que je préfère vendre des pièces déjà prêtes plutôt que de réaliser des commandes, parce que ça limite la création», précise Ghitta. Inspirée par les stylistes japonais, «parce qu'ils n'ont pas beaucoup de limites», elle dit avoir aussi beaucoup d'admiration pour Nouredine Amir et Said Mahrouf, deux créateurs marocains de mode contemporaine. Ghitta qui se sent proche de l'art contemporain a fait, elle aussi, le passage obligé par l'habit traditionnel. «Avec deux autres amies, nous travaillions avec de la sfifa mais le groupe s'est dispersé parce que chacune avait des rêves différents.» Ghitta a également coupé le cordon avec Albert Oiknine, styliste marocain alliant contemporain et traditionnel, avec qui elle a collaboré pendant huit mois à Marrakech. Difficile de voler de ses propres ailes. «C'est dur pour un styliste de faire beaucoup de choses à la fois. A l'étranger, il existe un comité qui s'occupe de tout ce qui est communication et pub pour les stylistes», souligne-t-elle. Ceci dit, l'Association Marocaine de Couture et de Mode (AMCMode) va s'occuper de «booster» Ghitta en assurant la communication autour de ses créations. Elle rêve d'ouvrir sa propre maison de couture. Elle évoque d'ailleurs un projet en cours dont elle ne peut encore dévoiler les détails. Cet article a été précédemment publié dans Yabiladi Mag n°10