Ce jeudi, les Marocains célèbrent Achoura, dixième jour du mois de Moharram. Dans les rangs chiites du royaume, l'heure est aux craintes quant aux éventuelles interdictions par les autorités des rituels commémorant ce triste anniversaire. Les chiites du monde entier s'apprêtent à célébrer cette semaine et comme à l'accoutumée, le jour d'Achoura qui coïncide avec le dixième jour du mois de Moharram. Une date fêtée par la communauté chiite dans la tristesse et le deuil puisqu'elle coïncide avec la mort de l'imam Hussein Ben Ali Ibno Abi Talib en 680 à Kerbala (Irak). Durant cette période de l'année de l'hégire, plusieurs musulmans de confession chiite se dirigent vers leurs «lieux saints», à Kerbala, afin de commémorer ce triste anniversaire et organiser une grande cérémonie funèbre. Vêtus de linceuls, certains procèdent même à une auto-flagellation rituelle alors que d'autres peuvent faire appel à des rituels extrêmes à l'aide d'épées ou d'instruments tranchants. Une façon pour eux d'exprimer le regret de ne pas avoir soutenu l'imam Hussein, bien que certaines références chiites interdisent de tels actes. Mais au moment où le pèlerinage est organisé en direction de l'Irak, les chiites ne pouvant pas s'y rendre, organisent des rituels similaires dans leurs pays, comme en Iran, au Pakistan, à Bahreïn ou encore au Liban. Les rituels chiites et l'interdiction des autorités Au Maroc, bien qu'ils soient moins nombreux que dans les pays précités, les musulmans de la branche chiite de l'islam s'apprêtent eux aussi à célébrer Achoura. Interpellé concernant la célébration de cette fête religieuse, Abderrahman Chougrani, président de l'association chiite «Rissali progressiste» nous confirme que les Marocains chiites «célébreront comme chaque année le douloureux anniversaire du décès de l'imam Hussein». «Une célébration conformément aux rituels Housseini que nos parents et nos grands-parents ont toujours veillé à commémorer depuis les premiers jours de l'Islam», ajoute-t-il. Concernant les lieux de commémoration dédiés au Maroc, Abderrahman Chougrani reste évasif en affirmant que «les options sont multiples» cette année. Il nous rappelle que les chiites du royaume avaient déjà célébré dans la ville de Zarhoun, «près du sanctuaire de Moulay Idriss» avant de subir une interdiction et les propriétaires des maisons louées à cet égard, «menacés» et «harcelés par les autorités». Selon lui, les autorités locales s'opposent à ce genre d'événements et de rituels, «en dépit de la connaissance du patrimoine des Marocains qui renouvellent chaque année leur allégeance à Ahl Al Bayt (la famille du Prophète, ndlr), d'autant plus que ils (les Marocains, ndlr) étaient les premiers à les accueillir et les protéger contre leurs opresseurs». Néanmoins, les chiites marocains ont recours à d'autres méthodes pour «éviter les poursuites, les interdictions et les harcèlement», rajoute le président de «Rissali progressistes» sans préciser ces solutions. «Les autorités peuvent empêcher, comme lors des années précédentes, les célébrations et les rituels de deuil. Mais elles finiront par reconnaître notre droit à exercer nos cultes et ne peuvent que respecter les résolutions des Nations unies quant à la liberté de croyance.» Abderrahman Chougrani Pour notre interlocuteur, la position des chiites s'appuie sur «la loi, la Constitution, les constantes nationales et de la démocratie qui [leur] garantit le droit de s'exprimer, quelle que soit la différence avec l'Etat et sa vision religieuse». Les extrêmistes et les célébrations chiites L'activiste chiite Mohamed El Mohammadi souligne dans une déclaration à Yabiladi que des rituels chiites auront bien lieu cette année, «dans toutes les villes où il existe des fidèles chiites». Ces célébrations se dérouleront «dans des maisons privées (...) même si la plupart d'entre elles sont connues des services de sécurité». En outre, Mohamed El Mohammadi considère que le principal danger vient du «courant extrémiste (salafiste), qui surveillent les chiites, surtout durant cette période». Ils profitent de cette occasion, selon lui, pour «provoquer l'opinion publique et diffuser de fausses informations et des mythes vidant cette célébration de toute sa valeur». Maroc : Achoura entre festivités sunnites et commémoration chiite Ces agissements sont aussi destinés à «éloigner les musulmans de la vérité de ce qui s'est passé à Karbala après le meurtre et la captivité des membres de la famille du Prophète Mohammed (paix et bénédiction d'Allah sur lui)», rajoute Mohamed El Mohammadi. Il regrette que les Marocains souhaitant se rendre en Irak pour célébrer ce triste anniversaire font face à des entraves administratives. Pour autant, il précise que certains Marocains résidant à l'étranger et notamment en Belgique profitent de cette occasion pour se rendre à Kerbala.