Les procès-verbaux des membres du groupuscule d'ultradroite AFO révèlent un large maillage territorial mais, surtout, un groupe sans statut associatif officiel qui n'aura pas longtemps vécu, loin des associations officielles proches des milieux d'extrême droite. Si l'on s'en tient pour l'heure à des soupçons à ce stade de l'enquête, il n'empêche que les projets fomentés par les membres du groupuscule d'ultradroite Action des forces opérationnelles (AFO), trahissent sans conteste l'ampleur de leur haine à l'égard des musulmans. Deux mois après l'interpellation, entre le 24 juin et le 23 juillet, de treize membres (dix hommes et trois femmes) de ce groupuscule d'extrême droite, soupçonnés de vouloir commettre des attentats en France contre des musulmans, leurs premières déclarations, dont Le Monde a pu prendre connaissance, confinent «à de véritables bouffées meurtrières pour certains», rapporte le journal. Le groupe prévoyait notamment d'empoisonner la nourriture halal dans des supermarchés, afin de «faire le plus de victimes musulmanes possibles». Il était également question de tuer «deux cents imams radicaux» et de jeter des grenades sur diverses cibles musulmanes, le tout dans l'optique de «se venger des attentats commis en France ces dernières années». Une «formation à l'autodéfense» A contrario des associations officielles proches des milieux d'extrême droite et identitaires, AFO, créé en août 2017, «était dénué de statuts et n'aura survécu que quelques mois», précise Le Monde. Plutôt que de jeunes loups, le groupe recrutait surtout des personnes d'âge mur, particulièrement chez les anciens militaires et policiers, chevronnés aux manœuvres d'envergure, même si les actions que préparait le groupuscule ne ressemblaient en rien à des opérations coups de poing. Officiellement, et d'après les témoignages de plusieurs mis en examen, il ne s'agissait que d'une formation à l'autodéfense, notamment en cas de nouvelle attaque terroriste en France. «J'ai pris peur suite aux attentats. J'ai fait ça dans un objectif de protéger ma famille (…) A partir de là, j'ai trouvé ce que je recherchais car ces gens-là m'apportaient la possibilité de pouvoir fuir si jamais il y avait des conflits majeurs en France, je parle de conflits avec l'Islam», a confié l'un d'eux, aujourd'hui sous contrôle judiciaire. Détention d'armes non déclarées Dans le sillage de cette perspective d'autodéfense, une dizaine de stages pour «résister à l'Islam» ont été organisés, dont un à Chablis (Yonne, nord-est). Au programme, des formations de self-défense, de topographie, d'usage de radio, de nœuds marins, etc. Reste à savoir si les membres du groupuscule – dont la plupart détenaient des armes souvent non déclarées – avaient vraiment l'intention de passer à l'acte. «Ce n'était pas très bien défini, mais, à chaque fin de réunion, [Bernard S., responsable de la section parisienne d'AFO, en détention provisoire] rappelait qu'on devait avancer dans le recrutement, dans la localisation des cibles, etc. Toutes les demi-heures, il répétait la même chose, en boucle. L'association de malfaiteurs terroriste. C'est clairement ce que voulait faire le groupe. Après, c'est des mythos les mecs, ils sont allumés du cerveau. Ils pensent qu'on peut buter des gens comme ça. Je me demande pourquoi je ne me suis pas barré en courant», a confié un autre, cité par Le Monde, lui aussi mis en examen – le seul à avoir avoué l'ensemble des faits reprochés. La révélation d'une partie du contenu des procès-verbaux des membres de l'AFO intervient alors que s'est ouvert, aujourd'hui devant les assises de Paris, le procès de trois skinheads accusés du meurtre, en 2013, du militant antifasciste Clément Méric, lors d'une rixe dans la capitale.