La mafia marocaine occupe une place prépondérante dans le crime organisé aux Pays-Bas. Ses ramifications dépassent le pays des tulipes et les règlements de compte se propagent en Belgique en Espagne et au Maroc. Les différents événements sont étroitement liés : de l'explosion d'une voiture à Marbella à la fusillade du café la crème à Marrakech l'an dernier. Suite à l'explosion d'une voiture à Marbella (Sud de l'Espagne) au bord de laquelle au moins deux membres de la mocro-maffia étaient ciblés, l'organisation criminelle fait de nouveau parler d'elle. Aux Pays-Bas, ces règlements de compte sont monnaie courante. En l'espace de deux jours seulement, trois explosions ont eu lieu au pays des tulipes, et un jeune homme de 25 a été assassiné. Le tragique événement à Marbella fait ressurgir de veilles affaires et des noms connus dans le milieu. Les médias néerlandais avaient révélé que le conducteur n'est autre Nadir A. T. connu sous le nom de «Rat», membre de la bande organisée maroco-néerlandaise. Son bras droit qui était lieu aussi à bord de la voiture piégée, Patrick 'Pepe' S. est un peu plus connu des autorités néerlandaises. Il a été arrêté début janvier pour avoir participé à la liquidation de Jaïr Wessels à Breukelen (Pays-Bas). Faute de preuve, il avait été relâché en juin dernier. Selon les médias néerlandais, ce dernier agissait sous les ordres de Redouane T., personnage qui faisait la Une des quotidiens marocains il y a quelques mois. En effet, Redouane ainsi que Saad R. seraient les commanditaires de la fusillade du café la Crème qui a eu lieu le 2 novembre dernier, provoquant la mort d'un jeune étudiant en médecine qui n'avait aucun lien avec l'affaire. Les deux commanditaires sont toujours en fuite et auraient même subi des opérations chirurgicales pour modifier leurs apparences, affirme le média néerlandais RTL Nieuws. Selon Mick Van Waly, journaliste spécialisé en criminalité pour De Telegraaf, Redouane T. est sans doute un des criminels qui aurait commandité le plus de liquidations ces dernières années. Aux Pays-Bas, si la mafia marocaine tient toujours le haut du pavé, la rivalité entre clans fait rage. Sur le marché de la cocaïne, deux grands rivaux s'affrontent : les Marocains et les Antillais. Cependant, depuis quelques temps, les Albanais auraient repris la main sur le marché de la cocaïne, affirment des sources policières, juridiques et criminelles au site AD. Ce changement dans la physionomie du marché vient du fait que «certains cartels de drogue sud-américains refusent actuellement de faire affaire avec la "Mocro-maffia", sous la loupe de la police en raison de toutes les liquidations récentes», explique la même source. Les autorités craignent désormais une guerre entre la mafia albanaise et la Mocro-maffia. «Nous avons peur d'un affrontement», confie l'un d'eux au site AD. L'urgence d'une coopération plus étroite Pour toutes ces raisons, la police néerlandaise a reconnu être quelque peu dépassée par les évènements. Jan Struijs, président du syndicat de police, affirmait que le sujet a toujours été tabou. Dans un rapport qu'il a présenté au gouvernement, il appelle à un renforcement de 2 000 agents pour lutter contre le crime organisé. Le rapport a été réalisé sur la base d'un sondage auprès de 400 représentants des forces de l'ordre. La police néerlandaise dépassée par la mafia marocaine Plus récemment, les autorités néerlandaises se sont entretenues avec les autorités italiennes, pour obtenir une vision plus claire de la façon dont la police et les autorités judiciaires en Italie procèdent après de telles vagues de liquidations. Mais une des coopérations les plus cruciales est sans doute celle avec le Maroc, le pays d'origine des membres de la Mocro-maffia. En 2010, les deux pays avaient signé une convention judiciaire dont les principaux champs d'action sont la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. A cet effet, les principaux moyens mis en œuvre portaient sur une plus grande fluidité de l'information. Il était stipulé que deux juges de liaison, un Marocain et un Néerlandais, devaient assurer un rôle pivot dans cette nouvelle politique de coopération. Les sujets cruciaux auxquels ils auront à faire sont le trafic de drogues et de marchandises de tout genre. Une collaboration entre les deux pays qui risque cependant de marquer le pas. Depuis le Hirak à Al Hoceima, les relations entre les deux pays se sont sensiblement tendues. Hirak : L'ambassadeur des Pays-Bas au Maroc convoqué Mocro-Maffia Pour comprendre l'ampleur de ce phénomène, un retour sur la génèse du réseau criminel s'impose. Journaliste spécialisé dans le crime, John Meeus décortique ce néologisme qu'est Mocro-Maffia : Maroc et mafia. «Mocro» est un terme argotique en néerlandais, faisant allusion aux Marocains. Communément admis depuis de nombreuses années, ce n'est qu'en 2010 que le terme est utilisé par les médias néerlandais. A cette époque, on évoquait la nouvelle génération de criminels, qui se concentrait sur le commerce et le trafic de drogue, particulièrement la cocaïne. De nos jours, ce réseau qui a commencé en monnayant du haschich étend son activité à la prostitution, la circulation des armes, mais aussi la commercialisation d'ecstasy et de cocaïne.