Dimanche, des médias arabophones citant des pages sur Facebook déterrent une vielle vidéo de Nasser Zefzafi parlant rifain et s'exprimant sur une «tentative d'agression» à Imzouren. Mais la traduction faite par ces médias, pour qui l'extrait justifierait le verdict prononcé mardi dernier, reste inexacte. Détails. Face à la solidarité exprimée par plusieurs Marocains aux détenus du Hirak du Rif au lendemain du lourd verdict, prononcé par la Chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca, certaines pages Facebook et sources médiatiques ont choisi de relayer une toute autre version. Dimanche, un extrait d'une vidéo datant de l'année dernière où Nasser Zefzafi, figure de proue du Hirak du Rif, évoque «une tentative d'agression à Imzouren» dont il aurait été victime, a refait surface. Dans la vidéo, le détenu condamné mardi dernier à 20 ans de prison ferme pour notamment «atteinte à la sécurité à la sûreté de l'Etat» s'exprime en rifain. Chose qui a permis à plusieurs médias, dont Barlamane, Machahid24 et Aljarida24, d'adopter une traduction en arabe différente des propos tenus par Nasser Zefzafi. Un extrait qui justifierait les peines, selon Barlamane Intitulé «Le jour où Zefzafi a menacé de diviser le pays et l'introduction des Apaches (missiles de croisières, ndlr)», l'article de Barlamane affirme que la vidéo serait «virale» sur les réseaux sociaux. Le média explique que ces menaces, «tout comme d'autres actes contraires à la loi et touchant la sûreté de l'Etat, commis par Nasser Zefzafi» justifieraient même le verdict prononcé à l'encontre du leader du Hirak. La même source rapporte que Zefzafi s'est adressé au roi Mohammed VI «avec un langage qui manque de respect dû au Roi Mohammed VI» en le tenant pour responsable de sa sécurité. «Je le dis au roi : Vous êtes responsable en cas de mon arrestation, mon kidnapping ou mon assassinat. Je vous le dis et j'en suis pleinement responsable», rapporte Barlamane qui cite le leader du Hirak. Ce dernier aurait, toujours selon la même source, menacé de «diviser l'Etat». «Je diviserai cet Etat. J'introduirai des Apaches et des chars ici», indique la traduction faite par Barlamane qui note que «ces propos ont indigné les Marocains et que ces derniers auraient estimé que de tels propos viseraient «la sédition et le chaos dans un pays bénéficiant de la stabilité». «Pour ceux qui critiquent la véracité des accusations adressées à Zefzafi, Barlamane republie la vidéo (…) publiée en direct sur Facebook (…) et qui contient une menace direct à l'Etat marocain en Tarifit et un manque de respect dû à la personne du Roi», conclut le média arabophone. Une même version partagée par machahid 24. Pour Aljarida 24, l'article reste visible sur le site et les moteurs de recherche mais inaccessible. Son titre affirme, à lui seul, qu'il s'agit de la même version rapportée par les deux médias cités précédement. Une traduction du Rifain loin de ce qui a été réellement dit ? Bien que la première partie où Nasser Zefzafi s'adresse au roi Mohammed VI reste vrai, les deux médias arabophones n'évoquent à aucun moment que le leader du Hirak s'exprimait sur «une tentative d'agression» dont il aurait été victime à Imzouren. Le 21 juin 2017, nos confrères de Hespress rapportaient même qu'il s'agit d'une «tentative d'assassinat». Sur la partie relative aux menaces d'atteinte à la sûreté de l'Etat, la traduction de Barlamane est loin d'être conforme aux propos tenus. Contacté par Yabiladi, une source indépendante parlant couramment Tarifit apporte quelques précisions. «Zefzafi dit que les manifestations sont pacifiques et le resteront», explique notre source. «Si l'Etat aujourd'hui mandate des Baltajis armés de couteaux pour attaquer les meneurs du Hirak, nous continuerons la mobilisation jusqu'à pousser l'Etat à déployer des chars et des missiles Apache.» Nasser Zefzafi Notre source met aussi en exergue le fait que l'extrait publié dimanche a été «raccourci et décontextualisé» afin de «présenter Zefzafi comme un fauteur de trouble souhaitant déclencher une guerre civile». (Voir vidéo intégrale de Nasser Zefzafi) Pour rappel, le site Barlamane s'était déjà illustré en publiant une vidéo fuitée où Nasser Zefzafi montrait tour à tour les diverses parties de son corps afin de démentir l'existence de tout acte de torture. Une vidéo ayant même fait l'objet d'une enquête ouverte par le parquet, sans pour autant que ses résultats ne soient dévoilés à l'opinion publique.