Alors que les appels se multiplient pour que les parlementaires activent l'article 71 de la Constitution de 2011 et faire sortir une loi faisant bénéficier les détenus des mouvements de protestation au Maroc d'une amnistie générale, une proposition de loi vient de voir le jour. En trois articles, elle est élaborée par le mouvement Anfass démocratique. Le mouvement Anfass démocratique joint le geste à la parole. Alors qu'il a déjà appelé à l'adoption d'une loi d'amnistie, qui aurait un effet rétroactif sur le verdict des 53 détenus du Hirak du Rif, le mouvement vient de publier ce vendredi sa proposition de loi en application de l'article 71 de la Constitution. Un article en vertu duquel l'amnistie, contrairement à la grâce royale gérée par l'article 58, est du domaine de la loi et offre donc au Parlement la possibilité d'approuver un texte dans ce sens. Elle intervient au lendemain d'une vague d'indignation des Marocains suite aux lourdes peines prononcées à l'encontre des figures de proue du mouvement contestataire. Une amnistie générale, l'annulation des peines et des indemnisations Le mouvement, qui avait exprimé sa colère et sa «grande préoccupation» suite au verdict rendu public par la Chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca mardi soir, propose aux parlementaires un projet de loi composée de trois articles. Le premier énonce, en effet, que «toute personne accusée d'actes criminels, qu'elle soit condamnée par un jugement ou pas, durant les protestations et les manifestations qu'ont connu les villes d'Al Hoceïma, Imzouren, Targist, Jerada, Guelmim et Tinghir et Outat El Haj, dans la période allant de 1er novembre 2016 au 31 décembre 2017, bénéficie d'une amnistie générale». Une mesure qui impliquera «l'abandon de toute procédure judiciaire et l'annulation des peines prononcées». Le deuxième article, lui, porte sur les les dédommagements, en énonçant que «toutes les indemnisations civiles avant la publication de cette loi au profit des personnes touchées par les événements sont réglées par l'Etat marocain dans le cadre d'un compte spécial créé à cet effet». Quant au troisième et dernier article de la proposition de loi, il stipule que celle-ci «entre en vigueur dès son approbation au Parlement par les deux chambres, sans attendre sa publication au Bulletin officiel». En guise de préambule, Anfass rappelle d'abord que le Maroc a connu depuis plusieurs mois des «mouvements sociaux dans différentes régions», déclenchés par plusieurs incidents tragiques. Il cite notamment la mort de Mohcine Fikri à Al Hoceïma, de la jeune Idia Fakhereddine à Tinghir, de Brahim Sika à Guelmim et de la jeune Hajar à Sebâa Laayoune. Une sortie politique et humaine d'une crise où tout le monde serait responsable «Si le processus de l'équité et de la réconciliation a mis les premiers blocs de construction d'une nouvelle ère qui rompt radicalement avec l'héritage des années de plomb, l'attitude des autorités avec les mouvements de protestation lors de la dernière décennie n'a pas traduit ce changement historique et est resté régi par la même approche sécuritaire pure», poursuit la proposition de loi. Celle-ci de citer notamment les événements de Laâyoune de 2005, ceux de Tamacint de la même année et ceux de Sidi Ifni ayant eu lieu en 2008. «Si ce traitement a déjà connu une amélioration relative ces dernières années, et on ne peut que se féliciter et encourager un tel progrès, il n'a pas encore dépassé le paradigme avançant que les réponses aux mouvements sociaux porteront atteinte à la 'hiba (prestige) de l'Etat' et serviront 'd'exemples aux autres mouvements'.» Extrait du préambule de la proposition de loi d'Anfass démocratique Pour le Anfass, une évolution de traitement face à ces mouvements de protestation s'est produite, annonçant le retour de l'approche sécuritaire et judiciaire et conduisan à l'arrestation de centaines de militants, notamment dans la région du Rif. «Nous avons perçu l'esprit de réconciliation historique qui a bénéficié de l'unanimité toutes les forces vives concernant le rapport de l'Instance Equité et réconciliation (IER, ndlr) et qui a établi un nouveau contrat sociétal ayant cumulé notamment la consolidation des valeurs de la transition démocratique, de l'équité et de la réparation individuelle et collective», enchaîne le préambule de ladite proposition. «Cette loi cherche à trouver une sortie politique et humaine dans un dossier dont la gestion a connu beaucoup de dysfonctionnements de la part de tout le monde, Etat, gouvernement, partis politiques et société civile», conclut le texte. Pour rappel, plusieurs pétitions sont nées depuis mercredi, au lendemain du verdict de la Chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca, condamnant à des peines allant de 1 à 20 ans de prison ferme les 53 détenus du Hirak du Rif. Des pétitions qui appellent à gracier les figures de proue du mouvement contestataire né en novembre 2016 ou à défaut, les faire bénéficier d'une amnistie générale en vertu de l'article 71 de la Constitution de 2011. Une amnistie qui, pour l'instant, reste de l'encre sur le papier du texte fondamental et que les députés n'osent toujours pas instaurer.