Quand on est en Russie et qu'on souhaite se rendre à Kaliningrad par voie terrestre, il faut être muni d'un visa Schengen. C'est ce qu'ont découvert des supporters non-russes ayant fait le voyage pour suivre le mondial de football. Une situation qui rappelle fortement l'histoire politique de la région. A quelques heures du match opposant les Lions de l'Atlas à la Roja, quelques supporters marocains et d'autres nationalités ont été empêchés de voyager jusqu'à Kaliningrad, n'étant pas munis d'un visa Schengen. Ainsi, ils ont été étonnés de rester bloqués à Moscou, malgré avoir acheté leur billet de train et fait leurs réservations d'hôtel dans l'exclave russe. Sur les réseaux sociaux, les témoignages sont peu nombreux, mais ils confirment que l'intervention des services consulaires et des ambassades des pays dont les supporters sont ressortissants a pu débloquer la situation. Les passagers concernés ont réussi à effectuer leur voyage, tandis que l'ambassade du Maroc en Russie semble ne pas avoir été aussi réactive. Sur son profil Facebook, un supporter marocain qui a pu rallier Kaliningrad l'explique : «Le silence auquel se sont confrontés les supporters marocains à Moscou de la part de leur ambassade est une honte. Ceux n'ayant pas de visa Schengen ont été empêchés de monter le train à destination de Kaliningrad.» Pourtant des solutions existent Selon le supporter, ses compatriotes n'ont pas été les seuls à se heurter à cette situation. En revanche, les autres ressortissants étrangers «ont pu trouver une solution, grâce à l'intervention de leurs ambassades», explique-t-il. Allant jusqu'à remettre en question l'efficacité des consulats mobiles marocains, l'internaute souligne que la représentation du royaume en Russie «n'a pas répondu» aux sollicitations de ses nationaux. Cependant, rallier Kaliningrad par voie terrestre depuis le reste de la Russie est une question largement abordée dans le guide en ligne, spécialement conçu pour les voyages dans le cadre de la Coupe du monde. Le site mis en place à cet effet indique expressément que «la visite à Kaliningrad en train, bus ou voiture est possible à condition d'avoir dans son passeport un visa Schengen multi-entrées valide durant le voyage et un FAN ID». La même source indique que «le déplacement en train gratuit ne peut être obtenu que sur présentation de tous les documents précités et d'un billet de match de la CdM 2018 à Kaliningrad. En cas d'absence des documents nécessaires, l'accès au train gratuit sera refusé». Cette mesure est destinée aux «citoyens du Nigéria, de l'Egypte, du Pérou, de la Colombie, de la Tunisie et d'Iran» ainsi que ceux du Maroc et de l'Arabie saoudite, précise la plateforme. Une situation qui rappelle l'histoire de l'URSS Kaliningrad, également dite «Russie baltique», est un oblast (région) russe depuis l'ère soviétique. Entourée par la Lituanie et par la Pologne, elle permet en effet une ouverture de la Russie sur la mer Baltique. Sa situation administrative actuelle incarne l'évolution politique de toute une région, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale à aujourd'hui. Théâtre de l'offensive contre la Prusse-Orientale (13 janvier – 25 avril 1945), elle est libérée des Nazis par l'Armée rouge, après sa victoire dans la bataille de Königsberg (6 – 9 avril 1945). Depuis, Kaliningrad a été gouvernée par l'URSS et à la chute du bloc de l'Est, elle est restée sous souveraineté Russe. Au cœur des négociations entre Moscou et l'Union européenne, le statut administratif de cet oblast est omniprésent, surtout avec l'adhésion des pays limitrophes aux accords de Schengen pendant les années 2000. Ainsi et dès juillet 2003, les frontières terrestres de Kaliningrad deviennent extérieures de l'Union européenne, laissant poser la question des liaisons avec le reste de la Russie. Dans ce sens, cette dernière a refusé l'idée d'isoler une partie de son territoire, d'autant plus que l'économie de la région a été fortement impactée pa la chute de l'URSS. Par ailleurs, la région a souvent fait l'objet de tensions, notamment entre la Russie et les Etats-Unis, comme lorsque ces derniers ont évoqué la possibilité d'installer leur bouclier antimissile en Pologne. En novembre 2008, Dmitri Medvedev, alors président de l'ex-URSS, a répondu en annonçant l'installation de missiles Iskander à Kaliningrad, au cas où Washington franchirait le pas. La mobilité au cœur de la géopolitique En mai 2009, l'agence RIA Novosti a rapporté que la Russie entreprenait des démarches auprès de l'Union européenne, afin de «simplifier le transit des habitants de Kaliningrad vers la Biélorussie et l'Ukraine». Depuis l'oblast, Vladimir Tchijov, représentant permanent russe auprès de l'UE, a alors exprimé son souhait de voir possible l'obtention des visas de transit simplifiés pour les habitants de Kaliningrad se rendant en Biélorussie et en Ukraine, grâce à un «assouplissement des formalités» et «le perfectionnement du régime de transit». «Avant l'adhésion [des pays limitrophes] à la Convention de Schengen, les habitants de la région pouvaient obtenir leurs visas aux termes d'une procédure simplifiée. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, ce qui engendre de nombreux problèmes pour les affaires (tourisme et transport notamment) et le déplacement des simples citoyens.» Agence RIA Novosti, 15 mai 2009 Il a fallu attendre 2012, pour qu'un accord entre Moscou et la Commission européenne permette l'accès des habitants de Kaliningrad à la Pologne et à la Lituanie sans visa Schengen, sur une zone de 30 à 50 kilomètres à partir de la frontière.