Des sénateurs plaident pour que les ministres des cultes reçoivent une formation qualifiante pour pouvoir exercer. Même si l'islam est cité à plusieurs reprises, ils assurent englober toutes les religions, ainsi que les sectes. Les radars médiatiques ont laissé fuiter une proposition de loi, et pas des moindres. Le 14 juin dernier, le Sénat a adopté en première lecture une proposition de loi visant à imposer aux ministres des cultes de justifier d'une formation les qualifiant à l'exercice du culte. Elle avait été déposée au Sénat le 17 octobre 2017, principalement par Nathalie Goulet (Union des démocrates et indépendants) et André Reichardt (Les Républicains). La dimension cultuelle semble pourtant occulter une démarche biaisée, observe Vincent Brengarth, avocat au barreau de Paris. «Derrière une apparente neutralité, la proposition vise essentiellement le culte musulman et les dérives auxquelles ce dernier se livrerait avec, en toile de fond, le fondamentalisme et la menace terroriste», écrit-il dans les colonnes de La Croix. Le texte initial s'appuie en effet sur les conclusions du rapport de la mission commune d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte, précise la Direction de l'information légale et administrative sur son site. Il prévoit d'«obliger toutes les associations en charge de l'exercice public d'un culte ou de la gestion d'un lieu de culte à adopter le statut d'association cultuelle (statut prévu par la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat)», et de «contraindre ces mêmes associations à ne recruter, comme ministres des cultes, que des personnes justifiant d'une qualification cultuelle reconnue». Les sénateurs à l'origine de cette proposition de loi insistent sur la volonté d'«unifier sous le régime des associations cultuelles (de la loi de 1905) toutes les associations en charge de l'exercice public d'un culte ou de la gestion d'un lieu de culte, de quelque confession que ce soit», lit-on sur le site du Sénat, et de «recruter leurs ministres des cultes, salariés ou bénévoles, uniquement parmi des personnes justifiant d'une qualification cultuelle reconnue». Adapter la loi du 9 décembre 1905 au contexte actuel «L'aspiration qui motive cette volonté législative est que la montée en puissance de l'islam introduirait un bouleversement qui obligerait une actualisation de la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat», réagit Vincent Brengarth. Une référence à l'article 1er de la proposition de loi, qui suggère que «la seconde phrase de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat est complétée par les mots : ''et notamment le respect des principes fondamentaux et des valeurs de la République''». L'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 mentionnerait ainsi : «La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public et notamment le respect des principes fondamentaux et des valeurs de la République.» De plus, la proposition de loi propose qu'«à la phrase de l'article 25 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat, après le mot : ''cultuelle'', sont insérés les mots : '', loués par elle''». L'article 25 deviendrait ainsi : «Les réunions pour la célébration d'un culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle, loués par elle, ou mis à sa disposition sont publiques. [Elles sont dispensées des formalités de l'article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l'intérêt de l'ordre public.]» Des dérives «pas propres à l'Islam» Les sénateurs écartent toute démarche pouvant froisser une religion plus qu'une autre. Ils estiment que «l'organisation des cultes envisagée par la loi [du 9 décembre 1905] n'a pas été bien intégrée par le culte musulman, pas plus d'ailleurs que par d'autres cultes d'apparition plus récente». Ils considèrent que cette situation «n'est pas satisfaisante, d'autant que faute d'un encadrement légal minimum, le culte musulman est aujourd'hui exposé à des dérives et à des pratiques opaques dont les premières victimes sont les musulmans eux-mêmes». Enfin, les auteurs ajoutent que «ces dérives ne sont d'ailleurs pas propres à l'Islam, comme le montre le phénomène des sectes : des risques de ce type peuvent se rencontrer dans n'importe quel culte ne disposant pas d'une organisation bien structurée, notamment en ce qui concerne la gestion des lieux de culte et les modalités de recrutement des ministres du culte considéré».