La France de «l'obligation de neutralité religieuse et politique» ou la France de l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques ? Une préparation aux présidentielles où l'Islam est au cœur des débats. Alors que le PS au sénat avait voté «pour» la proposition de loi visant à élargir l'interdiction du port du voile dans les structures privées de la petite enfance et aux domiciles des assistantes maternelles, le porte-parole du parti socialiste s'y oppose radicalement. La sénatrice écolo Esther Benbassa invite ses confrères politiques à reconsidérer la définition même de la laïcité, puisque c'est le cœur du débat. «Une loi anticonstitutionnelle, un dommage collatéral du débat sur l'identité nationale», (débat) qui a beaucoup pollué l'espace public et démocratique depuis plusieurs années au point de brouiller les représentations dans les têtes de nombreuses personnes, y compris au sein de la gauche». C'est ce que pense Benoît Hamon de la proposition de loi visant à élargir l'interdiction du port du voile pour les assistantes maternelles, rapporte SaphirNews. Initiée par Françoise Laborde scénariste du Parti Radical de Gauche (PRG) et soutenu par certains membres du parlement français, cette proposition de loi n'a pas uniquement retourné le porte-parole du PS. Les musulmans de France encore plus indignés Selon le Conseil français du culte musulman (CFCM), ce texte de loi «introduit (…) une modification majeure dans l'un des fondements de la République qu'est le principe de laïcité et se met clairement en contradiction avec les objectifs poursuivis par les grands textes nationaux et internationaux traitant des droits fondamentaux tels que la Déclaration universelle des droits de l'homme». Le président du CFCM, Mohamed Moussaoui s'adressant à SaphirNews, considère que «la gravité de la situation créée par cette proposition de loi qui risque à la veille de rendez-vous électoraux importants pour l'avenir de notre pays de susciter trouble et interrogations qui ne peuvent être que préjudiciables.» La Coordination contre le racisme et l'islamophobie (CRI) qualifie le projet de loi «anti-nounous voilées» du «dernier délire laïcard et islamophobe, (…) un pas de plus dans la mise au ban des femmes voilées dont on prétend par ailleurs participer à l'émancipation». La CRI met ainsi en garde le groupe de sénateurs socialistes «Si vous votez cette loi, je vote contre vous». Elle a ainsi lancé une pétition: «100 000 signatures contre le dernier délire laicard et islamophobe : l'interdiction du foulard à la maison». Aujourd'hui, elle est à 12 443 signatures. Pour le Collectif Mamans Toutes Egales, ce débat politique est «une véritable chasse aux sorcières pour les exclure de l'espace public, social, et qui va jusqu'à les contrôler dans le privé». Les Etudiants Musulmans de France (EMF) aussi ont fait entendre leur voix. Selon cette association, les protagonistes de la loi anti-nounous voilées font la «la propagation d'une islamophobie légalisée, voire approuvée, en se permettant de décider de quelle manière une employée doit se vêtir dans son propre domicile». L'EMF dénonce que cette loi bafoue «le droit fondamental à la vie privée et s'immisce sans aucune honte dans le domicile privé de ces nourrices», tout en mettant en évidence que Mme Laborde réduirait «la confiance que l'on peut donner à sa nourrice à un bout de tissu qu'elle a choisi de porter». Ces différentes associations s'accordent toutes sur une chose : la proposition de loi, si jamais elle est adoptée, mettra en péril la cohésion sociale, ravivant des «comportements de méfiance et de suspicion envers et entre les personnes de convictions religieuses ou philosophiques différentes» comme le souligne l'EMF. Ô laïcité, qui es-tu ? Tous les protagonistes de ce débat crient défendre une valeur fondamentale de la République : la laïcité. Les propositions de loi n'ont pas cessé de se succéder, et les débats à ne pas en finir si bien qu'on se perd un peu dans la définition même de la notion. La sénatrice écolo Esther Benbassa n'y comprend plus rien, considérant que ses amis politiques sembleraient avoir fait de la laïcité une religion. «La conception ouverte et libérale de la laïcité dans laquelle je me reconnais n'est pas celle des [laïques de confession] qui ont embrassé la laïcité comme on embrasse une religion, avec la radicalité de tous les néophytes», lit-on dans son article intitulé «Cessons de voir en l'Islam un ennemi» publié par Le Monde. Pourtant le Conseil d'Etat dans son rapport 2004 admet que toutes les religions ont droit à l'expression à condition qu'il n'y ait pas [accaparement de l'Etat] ni [négation des principes fondamentaux sur lesquels il repose]», fait-elle remarquer. Esther Benbassa crie à l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques, et invite la France à recouvrer d'urgence la laïcité de «Jaurès qui, rendant compte de la loi de 1905 à ses lecteurs, écrivait dans L'Humanité : [La loi que la Chambre a votée laisse la liberté à tous les cultes. La liberté de conscience sera garantie, complète, absolue ; la loi de séparation, telle qu'elle est, est libérale, juste et sage]».