Il est 19h23, al adhan ou l'appel à la prière retentit. Après une après-midi de préparation de harira, de pâtisseries et gourmandises diverses, voilà toute la famille autour de la table bien garnie du f'tour, les yeux rivés sur l'écran. Ils attendent tous la caméra cachée et autres sitcoms pour se détendre les zygomatiques. Sauf que le florilège des séquences publicitaires gâche tout plaisir à regarder sa télé jusqu'à gâter la qualité des émissions ramadanesques. Outre les publicités d'enseignes de nourriture, qui semblent justifiées aux yeux du téléspectateur pendant ce mois de jeûne, enseignes de grande distribution, concessionnaires auto, et promoteurs immobiliers se bousculent sur l'écran télévisé dès l'appel à la prière du Maghrib. En effet, le mois de ramadan est une aubaine pour les publicitaires en termes d'audience. «Ce taux d'audience on ne le retrouve nulle part, ou uniquement quand il y a des évènements phares, comme les JO ou la Coupe du monde, et encore… nous assure ce membre du Groupement des Annonceurs du Maroc (GAM), qui poursuit : les annonceurs essayent alors de tirer au maximum profit de cette occasion, idéale, d'aller à la rencontre du marché.» De la pub, en veux-tu en voilà… Si l'annonceur se frotte les mains, le téléspectateur quant à lui est exaspéré. «Ils annoncent le thème de la caméra cachée, et il faut qu'on subisse ensuite 10 minutes de publicités, se plaint Walid, étudiant. Et quand enfin ils remettent l'émission, on a oublié de quoi il s'agit». Dix minutes de publicité, c'est à peine exagéré. En chronométrant les séquences publicitaires à partir de l'heure du f'tour, on obtient facilement entre 22 et 26 minutes de publicité pendant l'heure suivant l'appel à la prière. (Opération effectuée pendant trois jours en se basant sur une des chaînes). Or, les deux chaînes nationales ne sont pas autorisées à dépasser 18 min de pub par heure pendant le ramadan. Chose exceptionnelle puisque la durée maximale en temps normal est de 14 minutes par heure, et la durée moyenne annuelle plafonnée à 8 minutes par heure. Sur le cahier des charges de 2M, article 15, on peut lire qu'une «période d'au moins vingt minutes, qui peut être réduite à quinze minutes pendant le mois de Ramadan, doit s'écouler entre deux interruptions successives à l'intérieur d'une même émission.» Pourtant, on peut facilement constater que cette clause n'est, elle non plus, pas respectée. Par exemple, dès le lancement de la caméra cachée sur 2M, qui dure entre 15 et 20 secondes, une séquence publicitaire de 4min en moyenne tombe comme un cheveu dans la harira, alors que la totalité de l'émission dure moins de 10 minutes. Les dépassements sont manifestes. Que fait la HACA ? «Pour ramadan 2010, nous avons constaté que les opérateurs ont globalement respecté les quotas, les dépassements enregistrés étaient de quelques secondes seulement», nous informe Khalid El Ouaryi, responsable communication à la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA). Et qu'en est-il de ramadan 2011 ? «Nous attendrons encore quelques jours avant de réagir» poursuit-il. Chaque année, la HACA effectue un rapport d'étape vers la mi-ramadan, et un deuxième rapport, définitif, à la fin du mois sacré. «Si à ce moment là, on constate des dépassements, il y aura des sanctions bien sûr» promet Khalid El Ouaryi. Ces sanctions sont généralement pécuniaires. Sur les cahiers des charges de la SOREAD 2M et celui de la SNRT, -article 50, sur celui de 2M et article 166 pour la SNRT-, on peut lire que «lorsque le manquement génère indûment un profit à la société, la Haute Autorité peut fixer une pénalité pécuniaire équivalente au maximum à deux fois le profit indûment tiré». En attendant la décision de la HACA, les téléspectateurs font la soupe à la grimace devant cette indigestion publicitaire.