Les experts économiques et juridiques jugeaient indispensable une réforme approfondie des centres régionaux d'investissement (CRI) afin de pallier les lacunes identifiées. Ce changement tant attendu a été concrétisé par l'approbation, à une large majorité, du projet de loi n° 22.24 lors d'une séance législative qui s'est tenue mardi à la Chambre des conseillers. Cette loi modifie et complète la loi n° 47.18 sur la réforme des CRI, ainsi que la création des commissions régionales unifiées d'investissement. La loi n° 47.18 a certainement revitalisé les dynamiques d'investissement régional au Maroc en modernisant le modèle institutionnel de gestion décentralisée et en consolidant les capacités d'intervention des centres régionaux ainsi que des commissions unifiées. Toutefois, malgré ces avancées significatives, des dysfonctionnements subsistaient, entravant l'impact économique et social escompté de cette approche décentralisée. C'est ce qui ressort d'une récente étude baptisée « Centre régionaux d'investissement: des réformes nécessaires », élaborée par le chercheur Abderrafie Zaanoun et publiée par l'Institut marocain d'analyse politique (MIPA). Selon le document, cette législation, accompagnée de textes d'application et de mesures complémentaires, ambitionne de transformer en profondeur le cadre organisationnel et fonctionnel des centres d'investissement, entraînant une dynamique accrue dans ce domaine, comme le montre l'amélioration des délais de traitement des demandes d'investissement, corrélée à l'augmentation des flux d'investissement régionaux. Néanmoins, l'application de cette réforme a mis en évidence plusieurs problèmes, notamment l'absence de mises à jour et d'adaptations indispensables pour suivre l'évolution du paysage de l'investissement régional. De plus, un décalage persiste entre les approches mises en œuvre dans le cadre de la gestion décentralisée et les réalités du monde des affaires. Ces enjeux, devenus incontournables, sont intimement liés aux initiatives récentes en matière de gestion publique, notamment la mise en œuvre de la charte de l'investissement, les enjeux de justice territoriale post-2017-2023, et la réorganisation des institutions et entreprises publiques, ainsi qu'au développement du système de décentralisation administrative en accord avec les objectifs du nouveau modèle de développement, explique la même source. Le chercheur a ainsi affirmé que depuis leur création en 2002, les CRI ont joué un rôle déterminant dans l'établissement d'une approche de proximité en matière de gestion des dossiers d'investissement. S'appuyant sur une structure organisationnelle dotée de deux guichets, ces centres facilitent l'accompagnement des investisseurs et la création d'entreprises. Grâce aux prérogatives attribuées aux walis, responsables de la supervision de la dimension territoriale de la politique de gestion décentralisée de l'investissement, ces entités ont dynamisé les initiatives régionales, contrastant avec une gestion centralisée qui avait exacerbé les inégalités dans la répartition des investissements à travers le pays. Cependant, cette dynamique a rapidement perdu de son éclat, en raison des lacunes récurrentes qui affectent l'administration publique, telles que la lenteur des procédures, la complexité des démarches et l'insuffisance des mécanismes de suivi et d'accompagnement. Par ailleurs, les attributions et missions des centres se sont révélées incompatibles avec le processus de décentralisation avancée instauré par la Constitution de 2011 et la loi organique n° 111.13 relative aux régions. Ces dysfonctionnements ont nécessité une refonte des cadres structurels et fonctionnels des centres régionaux d'investissement, tout en renforçant leur rôle dans la supervision des processus d'investissement. Dans cette perspective, la loi n° 47.18 a été adoptée pour réformer ces centres et créer des commissions régionales unifiées d'investissement. Cette législation, ainsi que les réformes organisationnelles mises en œuvre entre 2019 et 2023, visait à moderniser le modèle juridique des centres, à affiner leurs méthodes de travail et à optimiser leurs outils d'intervention, note Zaanoun. En outre, les réformes gouvernementales visent à améliorer la gouvernance des investissements, avec un comité ministériel de pilotage pour superviser les activités des centres et résoudre les conflits. Ce comité évoluera vers une commission nationale des recours selon le projet de loi n° 22.24, modifiant la loi n° 47.18, indique le spécialiste. En effet, le projet de loi n° 22.24 présenté par le ministre délégué chargé de l'Investissement, de la Convergence et de l'Evaluation des politiques publiques, Karim Zidane, approuvé ce mardi à la Chambre des conseillers (29 voix pour et 3 abstentions), s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des Hautes Directives Royales, lesquelles placent l'investissement productif comme un levier essentiel pour revitaliser l'économie nationale. D'après le ministre, le gouvernement s'emploie à la mise en œuvre d'une vision globale et intégrée pour faire des CRI un moteur d'investissement au niveau local, en les plaçant sous tutelle du chef du gouvernement, qui a délégué certaines de ses prérogatives au ministère de de l'Investissement, de la Convergence et de l'Evaluation des politiques publiques, afin de renforcer l'interaction et la coopération entre le niveau central et les zones territoriales, tout en améliorant l'efficacité et l'efficience du parcours de l'investisseur. Il a notamment souligné que ce texte constitue un élément essentiel de la nouvelle phase que connaîtront ces centres pour répondre aux défis actuels. Et de soutenir que le projet de loi introduit des nouveautés majeures, notamment l'élargissement des responsabilités des CRI en matière de prise de décision, le renforcement de leur rôle dans le suivi des décisions prises par la commission régionale unifiée d'investissement, ainsi que dans la mise en œuvre des projets d'investissement. Les nouveautés concernent aussi l'amélioration de la coordination entre les CRI, l'encadrement des dérogations en matière d'urbanisme, et le renforcement de la procédure de traitement des recours.