Comment la femme écrivaine conçoit-elle actuellement la littérature au Maroc ? C'est à cette question que l'auteure Maria Guessous tente de répondre à travers sa collaboration à l'ouvrage collectif «Voix d'auteurs du Maroc» (Marsam, 2016), intitulée «Littérature, que ferions-nous sans toi ?». Au Maroc, maintes écrivaines ont décidé de percer le monde de la littérature par le biais de l'écriture. Pourtant, force est de constater que la littérature féminine marocaine manifeste une rupture distinctive avec les canons classiques des écrivains masculins. Ce qui caractérise cette littérature au féminin, c'est qu'elle se place en grande partie sous le signe d'une conquête identitaire. Dépassant le statut d'objet de représentation masculine, la femme écrivaine ose s'écrire en tant que sujet, et acquiert enfin le droit de penser après n'avoir été que pensée. «Ecrire à la première personne du singulier, c'est conjuguer ses mots entre authenticité et sincérité», écrit Maria Guessous, car au fond personne ne peut sincèrement parler du «sujet» féminin que la femme elle-même. Un travail de longue haleine Toutefois, on ne décide pas de devenir écrivaine du jour au lendemain. D'abord, nulle ne peut atteindre le statut de bonne écrivaine sans passer par la phase d'une lecture intense et incessante. Au fond, la lecture et l'écriture sont «indissociables», affirme l'auteure. C'est toujours l'amour de la lecture qui mène à ce besoin d'écrire mais sans jamais comprendre pourquoi : «On écrit par instinct», souligne l'écrivaine, qui reconnaît que l'écriture n'est nullement une tâche aisée. «Ce travail commence dans la frustration devant la page blanche et se termine dans l'extase de l'accomplissement», mais «entre avoir une idée et la coucher sur papier, il y a tout un travail» à faire. L'écriture, c'est donner la vie «L'écriture est un acte de souffrance équivalent à celui de l'enfantement chez la femme.» Dans l'écriture féminine, il y a sans cesse une comparaison entre l'enfantement et l'écriture. Cette idée nous renvoie illico à ce que retrace Hélène Cixous dans «Entre l'écriture» : «J'accouche. J'aime accoucher… Une envie de texte ! Confusion ! Mes seins débordent ! Du lait. De l'encre.» En fait, une femme, par l'écriture, donne la vie, elle accouche du texte. Mais l'écriture permet aussi à la femme de se donner vie, car l'écriture est nourriture, «une nourriture spirituelle (…) la seule qui (…) permet d'aller loin, très loin sans même [se] déplacer». Ecrire, c'est un voyage sans fin «La littérature est un voyage sans fin… intemporel et éternel» qui «vous transporte vers un monde ouvert sur tous les horizons», retrace Maria Guessous dans son texte. Seule l'écriture permet à la femme d'aller au-delà des barrières et de les traverser. C'est en effet un «instrument de délivrance», une sorte de violation des limites et des règles ataviques cantonnant la femme dans un espace cloisonné, muselé, sous surveillance. L'écriture, c'est se sentir libre, «affranchie de tous les interdits, libre de créer, faire, défaire, vivre», affirme Guessous. L'écriture, c'est se donner des ailes qui vous amènent partout en vue de revenir aux origines et atterrir probablement «dans un salon de littérature du XIXe siècle, avec une George Sand, la pipe suspendue aux lèvres».