Contrairement aux annonces depuis samedi, la coordination des syndicats à Jerada, jointe par le bureau régional du Parti socialiste unifié (PSU) n'a pas «accepté» les propositions du gouvernement. Elle prend plutôt acte de l'évolution du dialogue avec la société civile. Explications. Depuis vendredi, les réactions du Hirak de Jerada sont attendues. Le maintien ou non des manifestations dans la ville en est tributaire. Dans ce sens et en l'absence d'une décision tranchée, un communiqué publié samedi a opté pour le discours équilibré. Le document est signé par la coordination de quatre syndicats (Confédération démocratique du travail (CDT), Fédération nationale de l'enseignement (FNE), Union marocaine du travail (UMT) et Fédération démocratique du travail (FDT)) et du PSU à Jerada, qui font notamment le point sur l'avancement du dialogue avec les autorités locales et le gouvernement. Contrairement à ce qu'a avancé la presse depuis, les syndicats n'acceptent pas toutes les propositions de l'exécutif mais nuancent leur propos. Ils relèvent l'avancement du dialogue, quelques acquis concernant le retrait des autorisation pour l'exploitation clandestine des mines de charbon, mais ils rappellent que d'autres revendications restent sans réponse. Communiqué des syndicats et du PSU à Jerada Contactés par nos soins, les signataires mettent en garde également sur les glissements ou la récupération qui risquerait de faire avorter la mobilisation populaire, profitant ainsi à l'impunité de «barons de charbon». Un communiqué qui prône l'équilibre Mohamed Elouali, syndicaliste au sein de la FNE, nous précise que ledit communiqué «n'affirme pas que les signataires acceptent les propositions du gouvernement». Il rappelle que la question du règlement des factures d'électricité et la proposition d'alternatives économiques, entre autres, sont restées sans réponse : «Nous prenons acte de cette démarche de dialogue, mais nous revendiquons une solution au reste des demandes de la population. Nous avons donné un point de vue équilibré, mais cela ne veut pas dire que nous considérons suffisantes les réponses de la région.» C'est ce que nous confirme également Abdelilah Laâlaj, membre de la section régionale de la CDT et du PSU. Le militant déplore les interpétations tranchées qui ont été faites du communiqué : «Il n'annonce pas la fin du Hirak. Il ne fait aucune surenchère sur la continuité ou la suspension des actions des manifestants. De là à ce que des médias affirment que les syndicats ont accepté les propositions du gouvernement sans nuance, c'est carrément faire de la politique. Nous ne disons cela à aucun moment. Le communiqué commence par approuver la démarche pacifique du Hirak, la démarche participative qui a inclus, lors des négociations avec les autorités, la société civile, les syndicats et les partis politiques, puis l'avancement dans le dossier de Jerada (le retrait des autorisations d'exploitation des mines de charbon, la création de coopératives…).» Par ailleurs, Laâlaj met en garde sur les versions avançant que les manifestants à Jerada s'essouffleraient et céderaient aux promesses du gouvernement, sans aller au bout des aspirations de la population : «Ceux qui surenchérissent – et ils sont peu nombreux – sur le fait que la mobilisation populaire à Jerada finit en queue de poisson, que le Hirak sera étouffé sont tout autant parmi nous. Ils ne veulent pas une solution équitable en faveur des revendications de la population et ils aimeraient bien que la situation s'enlise.» Pour le militant, il n'y a pas de place à la division entre syndicalistes et jeunes du Hirak : «70% de la population locale approuve la démarche des centrales syndicales, malgré la présence d'une approche sécuritaire militarisant la ville (…) Quant aux jeunes du Hirak, je les côtoye au quotidien. Je ne parle pas en leur nom, mais je ne suis pas sûr qu'ils seront contre les termes du communiqué publié samedi. Certes, ils nous ont reproché le contexte où il a été rendu public, au lendemain de la sortie de celui de partis politiques et de leurs syndicats. Mais sur les questions de fond, je crois bien que nous sommes d'accord.» Eviter l'enlisement En effet, ce document a été rendu public moins de 24 heures après la publication, vendredi, d'un autre par des partis politiques et leurs syndicats (PJD, PAM, MP, Istiqlal, USFP, UC, PPS, FFD, UGTM, UNTM). Membre de l'UMT à Jerada, Mustapha Selouani nous explique que le communiqué paru samedi matin clarifie la position de ses signataires, afin d'éviter toute confusion avec d'autres avis pleinement favorables aux propositions du gouvernement. Dans ce sens, le militant estime qu'il y a eu un flou autour de la compréhension des résultats du dialogue entre autorités locales, syndicats et comités de quartiers : «A la sortie du communiqué des partis politiques, les rumeurs ont commencé à fuser sur l'implication des syndicats (FNE, CDT, UMT) dans l'avortement du Hirak. Nous devions mettre les choses au clair et informer la population sur notre position qui n'est pas celle de ces partis. Nous soutenons les jeunes du Hirak en les accompagnant dans leurs objectifs, pour repousser tout glissement ou récupération populiste qui les mettrait en risque ou viderait leur action légitime de son sens, tout en protégeant les revendications d'ordre social et économique pour ne pas virer vers la revendication de mise en liberté d'éventuels détenus.»