La récente intrusion du Polisario à Guerguerate, suivie de son retrait sans fracas, ont surpris. Les séparatistes ont agité en vain le spectre d'un nouveau redeploiement dans la zone tampon, accusant le Maroc d'avoir enfreint l'accord de cessez-le-feu de 1991. Mustapha Salma et Mahjoub Salek analysent ce jeu de poker menteur Fin 2017, le Front Polisario s'est retiré de la zone de Guerguerate évitant in-extremis des sanctions onusiennes. Un an plus tard, il expédiait de nouveau des membres de sa milice dans la région. Brahim Ghali, leader du Polisario avait préalablement envoyé une missive au secrétaire général de l'ONU dans laquelle il menaçait de «redéployer» des troupe à Guerguerate. Il accusait le royaume d'avoir enfreint l'accord de cessez-le-feu de 1991 et demandait à fermer la route commerciale qui relie le Maroc à la Mauritanie, objet des tensions récurrentes entre le Front et Rabat. Après quelques incursions remarquées, le Front s'est finalement replié sans donner de raison, laissant les observateurs perplexes, d'autant qu'il n'en a retiré aucun avantage diplomatique. Le "sujet Guerguerate", a d'ailleurs disparu d'une façon soudaine et remarquée des canaux de propagande de Tindouf. Retrait à contrecoeur Contacté par Yabiladi, l'ancien leader du Front séparatiste, Mustapha Salma, écarté de Tindouf en 2010 pour avoir soutenu le plan d'autonomie proposé par Rabat, estime que : «le retour du Polisario à Guerguerate n'a pas de raison convaincante. Le premier jour de l'incursion, des véhicules militaires ont pénétré dans la zone durant quelques heures avant de refluer. Le second jour, ils sont revenus à bord de deux voitures banalisées. Ceci donne une idée de l'état psychologique que vit le Front.» Pour lui, le Polisario «est sorti la première fois de Guerguerate sans gains, après avoir tenté de susciter une nouvelle crise semblable à celles de l'époque Ban Ki Moon qui avait montré un certain tropisme pour le Front.» Un retrait qu'il juge «à contrecœur en raison du fait que le Maroc avait pris les devants dans ce sens.» L'objectif initial de la direction du Polisario était d'imposer un cadre de négociations entre les différentes parties, avance-t-il. Selon sa thèse, les séparatistes ambitionnait d'obtenir la co-administration du poste-frontière avec le Maroc ou du moins le contrôle du corridor par la Minurso.«La situation du point de passage devait cristalliser le débat et donner le ton aux négociations au point mort depuis des années», insiste à dire Salma. Et d'ajouter : «Alors que le Polisario n'a rien obtenu de tout ça, et que la crise de Guerguerate n'a fait que soutirer une promesse onusienne d'évaluation technique, celui-ci a voulu rappeler cette promesse finalement restée lettre morte (...) Ceci prouve que les moyens de pression du Front sont devenues limitées.» Manœuvres désespérées Mahjoub Salek, coordinateur du mouvement Khat Achahid en dissidence de la direction frontiste a indiqué que les dirigeants du Polisario «se sont retrouvés dans une situation catastrophique» depuis qu'ils ont été démasqués «de la part des habitants des camps de Tindouf après qu'ils aient menti sur la raison du redéploiement». Selon lui, depuis la décision du Conseil de sécurité «la situation n'a pas changé, et il n'existait pas de négociations avec le Maroc dont le Polisario pouvait se vanter auprès d'eux. D'où cette opération censée satisfaire aux attentes de plus en plus pressantes.» Selon Salek, le Polisario qui a entrepris «des manœuvres militaires dans la région d'Agouinit, puis a envoyé deux voitures à Guerguerate» fait montre de «manœuvres désespérées» nées «de l'échec et de la défaite, la situation étant gelée et les populations des camps sont excédées d'attendre dans des conditions infernales, sans espoir de dénouement.» Il ajoute que les leaders du Front essayent aussi d'attirer «l'attention de la communauté internationale avant la prochaine réunion du Conseil de sécurité, mais le monde connait les défauts de leur gouvernance, et ce depuis le début du cessez-le-feu. La situation restera comme elle l'a toujours été depuis de longues années, sauf s'il y a un changement au niveau du pouvoir algérien. En attendant, il n' a que plus de souffrances dans les camps.»