L'accord de juillet 2001, scellant la fermeture définitive de la mine de Jerada, prévoyait un développement de la ville. Seize ans plus tard, l'objectif est loin d'être atteint. Pour échapper à la précarité, des jeunes sans emploi meurent chaque année dans l'extraction du charbon dans des conditions difficiles. Mais cette fois, le drame qui a couté la vie à deux frères a tourné à la contestation sociale, à l'image du Hirak d'Al Hoceima. Jerada vit à l'heure de son propre Hirak. Des dizaines de milliers d'habitants de l'ancienne ville minière sont descendus ce dimanche dans les rues pour battre le pavé. Le décès de deux frères dans une mine abandonnée a relancé de nouveau la contestation sociale. Il y a une dizaine de jours, Jerada a connu des manifestations plutôt modestes contre la hausse des factures d'eau et d'électricité. Mais cette fois, la colère de la population est montée d'un cran, en témoigne le cordon humanitaire mis en place, dans la nuit du samedi à dimanche, par de nombreuses personnes autour du cimetière de la ville afin d'empêcher les autorités locales d'inhumer discrètement les deux dépouilles. «Jusqu'à présent la famille refuse d'enterrer ses fils. Elle réclame au préalable d'élucider les circonstances du décès et demande une réparation», nous confie Said Al Manajami, un acteur associatif à Jerada. «Le drame des deux frères est loin d'être un cas isolé. Chaque année, deux à trois hommes meurent en silence dans les mêmes conditions. Faute d'alternatives économiques, des jeunes souvent diplômés sont contraints de creuser des mines clandestines, parfois jusqu'à 100 mètres de profondeur, en vue d'extraire le charbon et de le vendre à certaines personnes à Jerada ayant des permis de commercialisation du produit.» «Deux à trois personnes meurent chaque année en silence dans les mines» La protestation de ce dimanche a connu une forte participation. «La police n'est pas intervenue pour disperser les manifestants. Mais les renforts sont déjà présents dans les casernes et stationnées dans les entrées de la ville», indique notre interlocuteur. Pour l'instant, la colère des habitants est «spontanée, aucune force politique ou syndicale n'en est l'instigatrice. Les habitants réclament seulement des projets de développement», lance-t-il. Par ailleurs, il est prévu l'organisation lundi d'une nouvelle marche. Jerada a connu son âge d'or de 1963 jusqu'au 1er juillet 2001, date de l'arrêt définitif de sa mine de charbon bien que le processus ait été initié en 1998. Depuis lors, l'extraction du produit s'est opérée de manière clandestine, quoique au vu et au su des autorités.