Adhérer à une organisation économique de la taille de la CEDEAO demande du temps, et donc beaucoup de patience. C'est que le Maroc est en train d'apprendre, à son corps défendant, par la désignation d'un collège de présidents pour statuer sur les implications de son intégration au groupement régional. Presque quatre semaines après son intégration à l'Union africaine, le Maroc déposait, le 24 février, une demande d'adhésion à la CEDEAO. L'issue de la requête, présentée alors par les voix officielles comme une simple formalité, s'est avérée ensuite loin d'être une sinécure. Marcel de Souza, le président de la Commission de la CEDEAO jusqu'au 1er mars 2018, était le premier à dégainer. Deux semaines après l'annonce officielle de la requête marocaine, le Béninois répondait en soulevant des «problèmes». «On risque de créer un précédent puisque le Tchad avait fait les mêmes démarches», plaidait-il contre l'adhésion du Maroc. L'étude d'impact est fin prête depuis octobre Le 4 juin à Monrovia, les chefs d'Etat avaient «donné leur accord de principe pour l'adhésion du Royaume du Maroc à la CEDEAO, eu égard aux liens forts et multidimensionnels de coopération» et ordonné à la Commission d'examiner les implications d'une telle adhésion conformément aux dispositions du traité révisé de la CEDEAO et de soumettre les résultats à sa prochaine session. Ils ont également invité le roi Mohammed VI à prendre part au sommet du 16 décembre, initialement prévu au Togo avant d'être transféré à Abuja. En octobre l'étude demandée est élaborée, en atteste la date mentionnée dans le document. Ce qui laisse entendre que les membres ont eu suffisamment de temps pour l'examiner. Pourtant, cela n'a pas empêché le ministre marocain des Affaires de déclarer au Middle East Online que «la délégation de la CEDEAO a effectué une étude sur l'impact de l'admission du Maroc à la CEDEAO. Mais elle n'a été fin prête que le 9 décembre. Les Etats membres n'ont pas eu le temps de l'examiner. C'est pour cela que le roi Mohammed VI n'assistera pas au sommet». Une déclaration qui cache mal les pressions subies par certains chef d'Etats de pays de la CEDEAO de la part de leur opinion publique, opposition politique ou chefs d'entreprises inquiêts par l'arrivée du Maroc dans le regroupement régional. Ce que propose un think-tank marocain pour dépasser les écueils Finalement, la déclaration d'Abuja a confié à un collège de présidents de «superviser l'étude approfondie des implications de cette adhésion». Le texte ne fixe aucune échéance à la publication du verdict final dudit comité. C'est désormais à la partie marocaine de lancer une campagne en direction des milieux réticents, réservés et opposés à son intégration. «Ces inquiétudes sont légitimes et suffisamment sérieuses pour être considérées et prises en considération par le Maroc», écrit Brahim Fassi Fihri, le président-fondateur du think-tank Amadeus dans un éditorial. Et d'expliquer que «les réticences et les inquiétudes accompagnent et accompagneront toujours les adhésions à des Communauté économiques ou la mise en œuvre d'accords de libre-échange. C'est le lot d'une économie régionale et internationale mondialisée». Le fils du conseiller du roi appelle à une mobilisation de tous les acteurs sur ce dossier. «Aux réticents, expliquons-leur que l'adhésion se fera graduellement, à travers des mesures de protection et une période transitoire, chapitre par chapitre (une fois qu'ils seront arrêtés et définis par la Commission de la CEDEAO), en prenant en compte les spécificités et les intérêts des deux parties, dans le cadre d'une vision gagnant-gagnant, telle que prônée et portée par le Souverain». L'intégration du royaume à l'Union africaine a nécessité le lancement d'une offensive diplomatique avec des tournées du roi dans plusieurs pays africains, des visites de Taïeb Fassi Fihri, Yassine Mansouri, Nasser Bourita et Salaheddine Mezouar dans quasiment toutes les capitales continentales. Avec la CEDEAO, le Maroc a semble-t-il péché par excès de confiance, tant il comptait de pays amis au sein du groupement régional.